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Transition énergétique et électrification de la société : «Une opportunité pour l’Algérie de se positionner sur l’échiquier mondial» (Pr Karim Zaghib)

Considéré comme l’un des experts les plus influents au monde dans le domaine de l’électrification des sociétés, Pr. Karim Zaghib, originaire de Sétif, a été nommé, tout récemment, chef de la direction de l’initiative Apogée Electrifier la société pour des collectivités décarbonnées et résilientes de l’université de Concordia.

Lors de sa dernière visite en Algérie, dans un cadre officiel, il y a un mois, il a échangé avec des conseillers du président Tebboune et des ministres, ainsi que des membres du Commissariat aux énergies renouvelables et à l’efficacité énergétique (CEREFE) sur les opportunités d’accélérer la transition énergétique dans notre pays.

Dans le présent entretien, le Pr Zaghib souligne l’importance pour l’Algérie de développer un écosystème énergétique durable, en collaboration avec d’autres pays africains mais aussi avec l’Italie, le Japon et autres pour se positionner sur l’échiquier mondial et devenir un acteur clé de la transition énergétique.

Né à Constantine le 25 décembre 1963, le Pr Zaghib est titulaire de deux diplômes : l’un en électrochimie et l’autre en physique. Après des études à Sétif, il est parti en France puis au Japon. Depuis 1994, il est au Canada. Depuis 2021, il est professeur à l’université de Concordia à Montréal

Entretien réalisé par : Karima Mokrani

Algerieinvest : Vous êtes installé au Canada depuis 1994. Récemment, vous avez été nommé chef de la direction de l’initiative Apogée Electrifier la société pour des collectivités décarbonnées et résilientes de l’université de Concordia. Racontez-nous votre parcours professionnel

Pr Karim Zaghib : Je suis professeur titulaire à l’université de Concordia à Montréal depuis janvier 2021. Pendant 28 ans, avant de rejoindre Concordia, j’étais responsable de plusieurs compagnies dont Hydro Québec, une entreprise équivalente à Sonelgaz en Algérie.

J’ai deux diplômes, l’un en électrochimie et l’autre en physique. Après des études à Sétif, je suis parti en France et par la suite au Japon où j’ai passé cinq ans. Je suis arrivé au Canada en 1994.

Concernant ma nomination à la tête de l’initiative Apogée Electrifier la société pour des collectivités décarbonnées et résilientes, il s’agit d’un processus de sélection organisé par le gouvernement du Canada tous les sept ans. Les universités soumettent des propositions de projets de recherche et développement dans différents domaines. Les dix meilleures sont retenues pour bénéficier d’un financement important de la part du gouvernement.

Quel est le montant de ce projet ?

Le projet Apogée est un montant de 1,4 à 1,5 milliards de dollars octroyé par le gouvernement fédéral du Canada pour accélérer la recherche et le développement. C’est un financement qui encourage la recherche et le développement, la création d’emplois et de richesses.

À l’université de Concordia, nous avons présenté une proposition pour l’électrification du transport dans la société. Nous avons reçu un financement de 123 millions de dollars et avons obtenu 25 millions de dollars de fonds supplémentaires d’entreprises et du gouvernement du Québec.

Le plus important pour nous (moi et mon équipe) est de travailler sur l’électrification de la société, c’est-à-dire électrifier l’ensemble du pays par l’électrification du transport, le stockage d’énergie, la cybersécurité, les réseaux intelligents, les villes intelligentes, le développement des bâtiments intelligents et la réduction de la consommation énergétique pour atteindre une résilience au carbone zéro.

Au Canada, il y a une vision stratégique à long terme pour former des étudiants, des professeurs, créer des brevets et des richesses, ainsi que de l’emploi. Pour une bonne matérialisation de cette vision, il est important de créer une gouvernance solide et garantir l’imputabilité du projet.

Avoir un président et des membres du Conseil d’administration, ainsi que des comités scientifiques pour assurer la qualité de la recherche et du développement. Après la mise en place de la gouvernance, nous procédons au lancement d’appels à propositions. Cela va attirer de nouveaux professeurs, des centaines d’étudiants et de post-doctorants.

Notre démarche vise la recherche et le développement, la formation, l’industrialisation et la création d’emplois. En Amérique du Nord, la recherche est fortement soutenue. L’absence de bureaucratie est un avantage considérable. Comme je l’ai mentionné, la vision stratégique est cruciale par la réussite de tout projet. La mise en place d’une gouvernance efficace, la sélection minutieuse des membres du conseil et des comités scientifiques, ainsi que la sollicitation de propositions de projets, sont des étapes clés pour y parvenir.

Comment appréciez-vous le niveau de progression de la transition énergétique en Algérie ?

L’Algérie possède un potentiel exceptionnel pour développer un écosystème fort, notamment grâce à sa position géopolitique stratégique en tant que porte d’entrée vers l’Afrique et le marché africain. Les ressources naturelles de l’Algérie dont les minéraux critiques, sont un atout majeur pour sa transition énergétique. En travaillant en coopération avec d’autres pays africains, l’Algérie peut renforcer sa position en Afrique. Avec plus de 1200 km de littoral et plusieurs ports en mer profonde, l’Algérie est bien équipée pour l’exportation de ses ressources.

L’Algérie dispose de pétrole et de gaz mais elle doit accélérer sa transition énergétique et son électrification. Utiliser les revenus du pétrole et du gaz pour investir dans le développement des énergies renouvelables et la transition énergétique. J’aime citer l’exemple de la Norvège qui a créé un fonds pour les générations futures grâce à ses exportations de pétrole et de gaz. Cela a permis à ce pays d’avoir la meilleure électrification de la société en Europe. Il est donc important de ne pas abandonner les industries pétrolières et gazières mais de réfléchir aussi à une transition énergétique pour un avenir plus durable.

Il est aussi important pour l’Algérie de se concentrer sur l’énergie solaire, en installant des panneaux solaires dans les villes où elle a déjà investi (et non créer de nouvelles villes), à savoir celles où il y a des routes et des aéroports. Le gouvernement algérien doit accélérer la transition énergétique. Des actions rapides sont nécessaires pour accélérer ce processus et tirer parti des forces et des richesses de l’Algérie.

Pourriez-vous nous décrire vos échanges avec les responsables algériens lors de votre visite en Algérie, il y a près d’un mois ?

Depuis deux à trois années, des représentants du gouvernement algérien nous contactent, en notre qualité de chercheurs dans les différents domaines, entre autres les énergies renouvelables. C’est une bonne chose et nous les remercions. La dernière fois, nous étions un petit groupe de quatre personnes. Nous avons eu des réunions avec le ministre de l’Intérieur et celui des Startups. Nous avons été également reçus par des conseillers du président de la République.

J’ai aussi rencontré le président du Commissariat aux énergies renouvelables et à l’efficacité énergétique (CEREFE), M. Noureddine Yassa. L’organisation est très active et M. Yassa est très compétent. Je suis membre du comité consultatif du CEREFE et aussi membre du comité scientifique de l’école des énergies renouvelables de Batna.

En outre, lors de la visite du ministre des Startups à Oran, j’ai été invité à faire une présentation sur le stockage d’énergie pour l’espace, à l’agence spatiale d’Oran. Nous recevons de plus en plus d’intérêt pour nous et pour nos travaux de recherche.

Comment voyez-vous les perspectives de la transition énergétique en Algérie ?

Il est important de travailler directement avec les décideurs pour mettre en place des solutions efficaces. Notre souhait est de voir l’Algérie travailler en collaboration avec des pays qui ont de bonnes relations avec elle, entre autres le Japon, l’Allemagne, le Canada et les États-Unis.

Quel est le potentiel de l’Algérie en matière d’hydrogène vert ?

Comme je l’ai mentionné, l’Algérie dispose d’un potentiel énergétique exceptionnel, notamment dans le domaine de l’énergie solaire. Si nous développons des projets d’énergie solaire de plusieurs gigawatts dans le Sahara, nous pourrons produire de l’électricité ou de l’hydrogène vert. Actuellement, l’Algérie a de très bonnes relations avec l’Italie, il est possible de faire un pipeline via l’Italie ou via les ports. Un partenariat avec le Japon permettrait la liquéfaction de l’hydrogène ou produire de l’électricité verte en Algérie et l’exporter vers l’Europe et autres pays à travers le monde.

Pour le pétrole et le gaz, il est préférable de les exporter et de privilégier l’utilisation de sources d’énergie renouvelables telles que l’énergie verte. Aussi, l’Algérie possède un potentiel solaire important qui doit être exploité mais il est également important de considérer d’autres sources d’énergie renouvelables telles que la géothermie et l’énergie éolienne.

Si l’Algérie parvient à développer un écosystème énergétique durable, en collaboration avec d’autres pays africains, elle pourrait devenir une plaque tournante majeure pour la transition énergétique à l’échelle mondiale. Avec les tensions en Russie et en Ukraine, nous avons vu un manque de fiabilité dans la production d’énergie, ce qui fait de l’Algérie un candidat potentiel pour la production d’énergie verte, le stockage d’énergie et la transformation de minéraux critiques.

La transition énergétique et l’électrification de la société représentent une opportunité pour l’Algérie. Il faut saisir cette opportunité rapidement pour permettre au pays de se positionner sur l’échiquier mondial. Devenir un acteur clé dans la transition énergétique.

K. M.

North Africa Energy & Hydrogen Exhibition and Conference
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