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M.Fouad Bousetouane: «L’objectif de l’Intelligence artificielle n’est pas de remplacer l’être humain»

Agé de seulement 35 ans, le chercheur algérien en Intelligence artificielle (IA), M.Fouad Bousetouane mène une brillante carrière aux Etats-Unis notamment au sein du groupe Grainger, considéré comme le plus grand distributeur de produits médicaux, industriel et d’innovation aux Etats-Unis. Celui qui a soutenu son doctorat à l’université d’Annaba sur l’Intelligence artificielle en 2015, occupe actuellement le poste de responsable du centre d’innovation et d’intelligence artificielle de Grainger présent dans 28 pays et figurant parmi l’une des 300 entreprises les plus riches au monde. Avec son équipe, il a notamment développé un système de vision artificielle qui permet de reconnaître des produits industriels et médicaux. Il détient aussi un grand nombre de brevets toujours dans le domaine de l’IA. En janvier 2023, il organise avec le soutien de Grainger une conférence internationale sur l’Intelligence artificielle (IA) à Hawaii qui verra la participation de nombreux chercheurs algériens établis à l’étranger.  

Entretien réalisé par: Younès DJAMA

Algérie Invest : Vous présidez en janvier prochain un important un événement à Hawaii. De quoi s’agit-il exactement ?

M.Fouad Bousetouane : L’événement entre dans le cadre d’une conférence internationale sur l’Intelligence artificielle (IA). Et que se passe-t-il dans le domaine ? il y a maintenant les grandes entreprises qui sont en train de créer des modèles d’IA, soit dans la vision artificielle, la reconnaissance ou bien dans le traitement du langage naturel. Comment une machine apprend à parler et à voir le monde comme un être humain. Le problème qui se pose c’est que toutes ces grandes entreprises ont les moyens financiers. Imaginez que pour entrainer un système à comprendre le langage naturel de l’être humain (par exemple, le français, l’anglais, l’Espagnol…) des modèles qui peuvent comprendre plus de 30 langues, on évalue les investissements autour de 10 milliards de dollars uniquement dans le domaine de l’infrastructure (les superordinateurs). Actuellement, il y a Google et Amazon qui sont en train de développer des modèles très complexes pour les entraîner et pour les utiliser dans des applications réelles. Parce qu’il y a deux étapes pour développer un système intelligent. La première c’est d’entraîner le système en utilisant des bases de données massives et une immense infrastructure ; la deuxième étape est comment transférer le modèle à partir du laboratoire vers une application réelle. Dans le cadre de la conférence à Hawaii, on va discuter de comment développer des algorithmes et des mécanismes capables de transférer la connaissance des grands modèles développés par les grandes boîtes de high Tech parce qu’ils en ont les moyens, vers des petits modèles qui peuvent être utilisés par tout le monde dans une application réelle. Et ce sans investir dans l’infrastructure. Dit autrement, l’idée est de débattre de comment démocratiser les grands modèles de l’IA. Aujourd’hui dans le domaine de l’IA, le secteur industriel a dépassé le secteur académique. Et ça c’est un autre problème. Aux Etats-Unis, toutes les entreprises sont dotées de leur propre centre de recherche et d’innovation parce qu’elles en ont les moyens. L’argent que ces entreprises mettent pour le développement des technologies de pointe est supérieur au budget dont disposent les centres de recherche dans les universités.

Vous avez développé un programme novateur. Parlez-nous-en ?  

Mon équipe et moi avons développé pas mal d’innovations. Parmi elles celles entrant dans le cadre de la reconnaissance artificielle, c’est-à-dire un système capable de percevoir, comprendre, analyser et de prendre des décisions. Il faut savoir que la capacité visuelle a maintenant dépassé la capacité humaine dans plusieurs domaines : médical, la reconnaissance des formes, le contrôle de la qualité, etc. Le système que j’ai développé avec mon équipe est capable de reconnaitre les produits industriels, surtout les produits médicaux, avec une précision très élevée, au bout de 3 secondes. Par contre, les applications qu’on a sur le marché américain, ça prend autour de 6 et 20 secondes.

Le sujet de l’intelligence artificielle suscite quelques appréhensions voire des inquiétudes. Comment les dissiper ?

Je dois commencer par dire que l’IA est devenue de plus en plus une science fondamentale. L’IA et les mathématiques c’est presque la même chose. Les mathématiques permettent de résoudre des problèmes complexes alors que l’IA permet de résoudre des problèmes beaucoup plus complexes. Parce qu’il y a les données, et celles-ci reflètent la complexité des problèmes. Par rapport aux inquiétudes, il faut savoir que l’objectif des chercheurs en IA ce n’est pas de remplacer l’être humain. Mais plutôt de développer des systèmes d’aide à la décision, qui permet de mettre à la disposition des médecins des technologies d’analyse automatique, comme par exemple les clichés IRM. On est en train de développer des systèmes capables de détecter des cancers et des tumeurs à un stade très précoce et même en externe car on ne touche même pas le corps humain. L’IA est là pour aider l’être humain, les experts pour améliorer la qualité de vie de l’être humain. Elle va bien sûr de la façon par laquelle on perçoit le monde, de vivre. Les gens pensent que les chercheurs et les gouvernements sont en train d’abuser de la façon d’utiliser l’intelligence artificielle. Ce débat n’existe pas aux Etats-Unis, parce qu’il y a des organismes de régulation. Leur mission c’est de mettre en place des lois pour réguler l’utilisation de l’IA dans plusieurs secteurs : économique, médical, e-Commerce, etc. Cependant, il y a un autre risque si les gouvernements interviennent et mettent en place des lois qui pourraient limiter les chercheurs pour développer les technologies de pointe sur la base de l’IA. Les chercheurs n’auraient plus, dans ce cas-là, un niveau de flexibilité pour nourrir leur curiosité, alors qu’il y a énormément de problèmes qu’on doit résoudre, dans les domaines médical, industriel, l’économie de l’énergie, l’énergie renouvelable, etc.

Pouvez-vous nous résumer brièvement votre parcours académique et comment vous êtes arrivé aux Etats-Unis ?   

J’ai grandi dans une famille très modeste, très simple à Annaba. Mes parents m’ont toujours poussé vers la science. J’ai fait toutes les études en Algérie. J’ai obtenu mon baccalauréat au lycée Saint Augustin et ensuite ma licence à l’université d’Annaba. Dans le cadre de la préparation de mon master en Intelligence artificielle à l’université d’Annaba, je suis parti en France en 2010 où j’ai effectué un stage au niveau du Centre international européen des études spatiales. Mon stage a porté sur l’utilisation de l’IA pour l’analyse des données satellitaires. Je suis rentré en Algérie où j’ai soutenu ma thèse de doctorat en 2015 sur le thème de l’IA dans la vision robotique. Cette même année, j’ai reçu une offre de l’université du Nevada et aussi de Berkeley. On m’a proposé de continuer mes recherches aux USA. Une semaine après la soutenance de mon doctorat en Algérie, je suis parti aux Etats-Unis. Là, j’ai travaillé sur un projet de recherche entre l’université de Las Vegas et l’université de Stanford (Californie), toujours dans le domaine de l’IA et de la vision. J’ai produit pas mal de publications. J’ai obtenu l’équivalence du doctorat US, PhD computer science. J’ai fait plusieurs conférences dans plusieurs Etats en Amérique. Après un an et demi à l’université du Nevada, j’ai décidé d’aller vers le secteur industriel. C’est ainsi que j’ai fait le choix d’aller vers les centres de recherche privés parce qu’ils ont plus de moyens et d’investissements, en comparaison avec l’université. J’ai alors eu une offre de Grainger, qui est le plus grand distributeur de produits médicaux, industriel et d’innovation aux Etats-Unis. Grainger est présent dans 28 pays et c’est l’une des 300 entreprises les plus riches au monde. Je suis le responsable du centre d’innovation et d’intelligence artificielle. Avec mon équipe nous avons développé pas mal de systèmes et l’un d’eux, celui que nous avons mis sur le marché, c’est le système de vision artificielle qui permet de reconnaître des produits industriels et médicaux. Nous avons un grand nombre de brevets dont plus d’une trentaine n’ont pas encore été enregistrés. Pour la plupart ils concernent des technologies de pointe avec utilisation de systèmes multi capteurs et capteurs laser…   

Y.D.

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