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Pr Karim Zaghib, électro-chimiste et professeur titulaire à l’université de Concordia (Québec) : «L’Algérie devra opérer le virage de la voiture électrique très rapidement»

La première conférence internationale sur les systèmes avancés d’énergie renouvelable (ICARES’22) s’est clôturée ce 20 décembre à l’Unité de développement des équipements solaires (UDES) de Bou Ismail (Tipasa). Cette conférence, organisée sous l’égide du Centre de Développement des Energies Renouvelables (CDER) a été marquée par la présence d’éminences algériennes dans le domaine. Parmi elles, le Pr Karim Zaghib, électro-chimiste et professeur titulaire à l’université de Concordia (Québec) qui est intervenu par vidéo-conférence.

Le chercheur, natif de Constantine, est un scientifique de renommée mondiale, spécialisé dans les batteries rechargeables, la transition énergétique et l’électrification des transports. Ses nombreuses publications scientifiques fondamentales dans ces domaines lui ont valu de nombreux honneurs et distinctions. Il est régulièrement invité à participer à des conférences internationales en tant que conférencier expert pour aborder des questions et partager sa vision du stockage de l’énergie et des nouvelles technologies de batteries. Détenteur de plus de 600 brevets et plus de 23 000 citations, le scientifique algérien est l’auteur de 427 publications en plus d’avoir édité plus de 23 ouvrages dans le domaine des batteries et le stockage de l’énergie. Le Pr Zaghib est connu pour avoir développé une batterie lithium-ion qui autonomise davantage les voitures électriques. Cette technologie est utilisée entre autres par la société de construction des voitures électriques Tesla.

Un pionnier des batteries lithium-ion

 Algérie Invest a pu s’entretenir avec lui via WhatsApp depuis son bureau à l’université de Concordia. Titulaire de plus de 600 brevets, Pr Zaghib, âgé de 59 ans, se dit très marqué par ses professeurs lors de son cursus scolaire en Algérie, du primaire au lycée. Des années d’apprentissage qui, dit-il ont forgé son expérience et tracé la trajectoire de sa carrière qui est la sienne aujourd’hui. Depuis 36 ans, il est électro chimiste. Il a passé près de 30 années comme directeur général d’un centre d’excellence sur l’électrification des transports au sein de la compagnie gouvernementale Hydro-Québec, l’équivalent de la Sonelgaz en Algérie. «J’y ai passé 28 ans. Avant cela, j’ai exercé pendant deux ans comme conseiller stratégique pour le gouvernement du Québec ; je l’ai conseillé pour développer une stratégie des batteries pour les voitures électriques. Le cout du projet était à peu près de 10 milliards de dollars», confie le scientifique algérien. Au début des années 1990, il s’éjourna pendant 5 ans au Japon, où il avait travaillé pour le compte du gouvernement japonais dans les batteries lithium-ion, l’une de ses inventions les plus connues. «C’est une technologie lithium-ion à base de fer phosphate. Ce sont des matériaux respectueux de l’environnement, en plus ils ne coutent pas cher. Aujourd’hui, plus de 70% de cette technologie sont utilisés dans les voitures de Tesla. Et plus de 80% de l’électrification des transports en Chine utilisent cette technologie sécurisée -elle ne prend pas feu-, peu couteuse du fait des matériaux pas cher, et aussi elle a une durée de vie de plus de 20 ans», relate-t-il. Actuellement, ce chercheur travaille sur d’autres innovations. «Notamment la certification des matériaux de la mine jusqu’à la voiture électrique. En l’occurrence, comment récupérer des matériaux propres respectueux de l’environnement et comment accélérer l’essor des voitures électriques. L’on sait aujourd’hui que le transport est un des gros responsables du réchauffement de la planète. C’est pourquoi, on essaie d’accélérer l’électrification des transports», explique le Pr Zaghib. En récompense pour ses travaux, ce chercheur algérien a reçu de nombreux prix dont celui de Lionel Boulet en 2019, la plus haute distinction que le gouvernement du Québec décerne à des chercheurs d’exception. «En 2020, j’ai obtenu le prix de la Royal society of science, ainsi qu’un prix qui m’a été remis par la Société internationale de chimie. J’ai, auparavant, reçu des prix pour mes travaux sur les technologies des batteries.  Et de nombreux autres prix. Cela veut tout simplement dire qu’on est récompensé au juste prix de notre travail», affirme-t-il, humblement. Le Pr Zaghib a eu un parcours académique exceptionnel. Après un diplôme d’études supérieures en électrochimie à Sétif, il passe un DEUA à Grenoble (France). Il obtient son doctorat avec mention et les félicitations du jury. Au début des années 1990, il part au Japon où il travaille toujours dans le domaine de l’électrochimie, les batteries lithium-ion à l’époque où ce pays était classé n°1. «La batterie lithium-ion était, à l’époque commercialisée par Sony. Le Japon a été véritablement le berceau de l’électrochimie des batteries», se souvient le scientifique. En 1994, Hydro Québec le sollicite. Il y restera 28 ans. En signe de gratitude, il a cédé les droits sur ses brevets pour cette société gouvernementale et qui valent de centaines de millions de dollars. «Parce que je travaille pour cette compagnie gouvernementale, les revenus de mes brevets reviennent au gouvernement du Québec qui les investira dans l’éducation et la santé. Si j’avais choisi de créer ma propre société ou exercer dans le secteur privé, j’aurais pu gagner plusieurs centaines de millions de dollars. Mais c’était un choix personnel. Je me suis épanoui dans cette compagnie, au sein de laquelle j’avais ma liberté de penser et de réfléchir. Elle m’a donné tous les moyens pour véritablement avoir la liberté académique», dit-il. Le Pr Zaghib a aussi des mots forts pour le Canada, cette terre d’accueil et d’opportunités. «Cela fait 28 ans que je suis au Canada. L’Amérique du nord (Canada et Etats-Unis) est une terre d’opportunités. On n’y rencontre pas beaucoup de bureaucratie. Ça facilite l’intégration. Et, plus important, il n’y a que la compétence qui compte. Le Canada est une terre d’accueil. Il n’y a pratiquement pas un pays de la planète qui n’y est pas représenté. Dans mon cas, le Canada, et le Québec, m’a donné ma liberté et m’a poussé à réaliser des choses exceptionnelles soit dans mes brevets ou dans mes inventions», reconnait-il.

La plus grande ambition du Dr Zaghib ? «J’ai deux ambitions. La première c’est de passer le flambeau. Le 25 décembre j’aurais 59 ans. J’ai formé beaucoup d’étudiants», note-t-il.

«Se positionner au niveau des pays producteurs d’énergies propres»

D’autre part, il nourrit l’ambition d’aider l’Algérie dans sa transition énergétique, «dans l’éolien, le solaire et la voiture électrique, et créer de nombreux emplois», affirme-t-il. D’autant que le pays ne manque pas de potentiel. «L’Algérie dispose d’un écosystème unique au monde. Par sa position géographique, elle est proche de l’Europe, elle est une porte pour l’Afrique. L’Algérie doit se positionner au niveau des pays producteurs d’énergies propres, que ce soit dans le solaire ou bien l’éolien», préconise-t-il.  

Riche en pétrole et en gaz, l’Algérie serait plus inspirée de faire comme la Norvège : Vendre plus de gaz et de pétrole et investir cet argent davantage dans la transition énergétique, l’éducation et aussi la santé, recommande le Pr Zaghib. Il appelle à «réer des synergies » entre les compétences algériennes à l’étranger et celles vivant en Algérie.

Pour accélérer l’adoption des voitures électriques, le Pr Zaghib préconise que l’Algérie se dote d’un plan sérieux, qu’elle réalise des projets pilotes dans les grandes villes par exemple sur la flotte des taxis ou la flotte de Sonelgaz. Ou encore qu’elle dote l’autoroute Est-ouest en stations de recharge rapide. «L’Algérie devrait, au début, créer des Joint-Venture pour qu’elle puisse fabriquer sa propre voiture électrique, avec des modèles et designs algériens. Elle devra opérer ce virage très rapidement car il n’y aura plus de voitures thermiques à partir de 2035» en Europe notamment, relève Pr Zaghib.

Younès Djama

North Africa Energy & Hydrogen Exhibition and Conference
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