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Nabil Djemaa, spécialiste en finances: «la numérisation et l’acquisition de logiciels sont  des armes efficaces contre les surfacturations» 

Comment lutter efficacement contre les fraudes financières?

Dans cet entretien, l’expert en finances M. Nabil Djemaa aborde la lutte contre les surfacturations, les contraintes persistantes à l’exportation et à l’investissement notamment dans l’exploitation de terres agricoles dans le sud, ainsi que les limites de la politique de change du pays.

Entretien réalisé par : Khaled Remmouche

Algérie Invest : L’Algérie fait face à l’épineux problème des surfacturations à l’importation. Que suggérez vous au lieu et place des mesures administratives?

M. Nabil Djemaa : Pour résoudre le problème des surfacturations à l’importation en Algérie, il existe plusieurs approches possibles en dehors des mesures administratives strictes. Voici quelques suggestions. Tout d’abord, il va falloir renforcer la transparence. Il s’agit de mettre en place des mécanismes de transparence et de suivi des transactions d’importation pour détecter plus facilement les cas de surfacturation, par le biais de la numérisation de bout en bout. Il convient aussi d’améliorer la régulation : renforcer les organismes de régulation du commerce international absent sur la scène algérienne actuellement  pour assurer une surveillance efficace des importations et des prix. Il faut également  favoriser la concurrence : en un mot, encourager la concurrence sur le marché de l’importation en facilitant l’accès à de nouveaux acteurs et en réduisant catégoriquement  les barrières bureaucratiques à l’entrée. Ceci étant, il convient aussi de procéder à éduquer les importateurs : sensibiliser les entreprises sur les conséquences légales et économiques de la surfacturation, et promouvoir l’éthique commerciale. A cet effet, il faudrait  renforcer la coopération internationale : collaborer avec d’autres pays pour échanger des informations sur les pratiques de surfacturation et coordonner les actions pour lutter contre ce problème,  notamment avec l’utilisation de la technologie adéquate déjà existante dans les pays développés : Utiliser des outils technologiques avancés, tels que l’analyse de données et l’intelligence artificielle, pour détecter les cas de surfacturation , adhérer a des plate forme internationales existantes pour voir les prix réels des biens et services sur  le  marché mondial.  Les banques internationales utilisent généralement des systèmes de gestion des risques et de conformité pour surveiller et contrôler les prix à l’importation. Ces systèmes peuvent inclure des logiciels de gestion des risques, de conformité, de gestion des transactions et de surveillance des activités financières. Certains des logiciels et systèmes couramment utilisés dans le contrôle des prix à l’importation par les banques internationales peuvent inclure : **Systèmes de gestion des risques**: Des logiciels tels que SAS Risk Management, Oracle Financial Services Analytical Applications (OFSAA), ou IBM Algo Risk peuvent être utilisés pour évaluer et gérer les risques liés aux transactions internationales, y compris les fluctuations des prix à l’importation. **Logiciels de conformité**: Les banques utilisent souvent des solutions de conformité telles que Thomson Reuters World-Check, Dow Jones Risk & Compliance, ou LexisNexis Compliance Solutions pour vérifier la conformité aux réglementations en matière de commerce international et de sanctions.  **Systèmes de gestion des transactions**: Des plateformes de gestion des transactions, telles que Bloomberg Terminal, peuvent être utilisées pour effectuer des transactions internationales, surveiller les marchés financiers mondiaux et suivre les prix des produits importés. **Systèmes de surveillance des activités financières**: Ces systèmes, par exemple Actimize ou Mantas, permettent aux banques de surveiller les activités financières et de détecter toute transaction suspecte ou non conforme, y compris celles liées aux prix à l’importation.

**Systèmes de gestion des paiements et des transactions**: Des solutions telles que SWIFT (Society for Worldwide Interbank Financial Telecommunication) sont utilisées pour faciliter les paiements internationaux et assurer la sécurité des transactions. Il est important de noter que les logiciels et systèmes utilisés peuvent varier d’une institution financière à l’autre en fonction de leurs besoins spécifiques et des réglementations auxquelles elles sont soumises. De plus, les technologies évoluent constamment, de sorte que de nouveaux logiciels et systèmes peuvent être adoptés pour améliorer la gestion et le contrôle des prix à l’importation. Enfin, il convient de  renforcer les contrôles douaniers intelligents. Il s’agit d’accroître les contrôles douaniers et moderniser les procédures d’inspection pour réduire les opportunités de surfacturation. Ces mesures combinées peuvent contribuer à réduire les surfacturations à l’importation et à améliorer la situation économique en Algérie.

Les exportateurs rencontrent toujours des difficultés dans leurs opérations, qu’il s’agisse de rapatriement de devises, d’investissement dans des bureaux de liaison ou de shows room à l’étranger. Faut-il introduire de grands changements dans notre politique de change et de promotion de l’exportation?

L’amélioration de la politique de change et de promotion de l’exportation peut certainement aider les exportateurs à surmonter leurs difficultés. Voici quelques recommandations pour introduire des mutations positives. Premièrement, dans  notre vision sur  la réforme de la politique de change, nous suggérons d’assouplir les restrictions sur le rapatriement de devises pour les exportateurs afin de faciliter la conversion des recettes étrangères en monnaie locale. Deuxièmement, en matière d’incitations  fiscales, il faudrait mettre en place des incitations fiscales spécifiques pour les entreprises exportatrices, telles que des réductions d’impôts ou des exonérations pour encourager les investissements à l’étranger. Troisièmement, il convient de promouvoir l’installation   des bureaux de liaison et des showrooms à l’étranger. En un mot, faciliter la création de bureaux de liaison et de showrooms à l’étranger veut dire  simplifier  les procédures administratives et  fournir un soutien financier aux entreprises qui souhaitent s’implanter à l’étranger. Quatrièmement,  il faut aller vers la diversification des marchés : notamment encourager les exportateurs à diversifier leurs marchés cibles afin de réduire leur dépendance à l’égard de certaines régions ou pays. Cinquièmement, il convient de soutenir  l’innovation. En un mot, investir dans la recherche et le développement pour améliorer la compétitivité des produits et services exportés, ce qui peut stimuler les ventes à l’étranger. Il convient aussi d’accélérer la formation et l’assistance technique. En clair, fournir une formation spécialisée et une assistance technique aux exportateurs pour les aider à comprendre les marchés étrangers, à gérer les risques et à développer des stratégies d’exportation efficaces. Il faudrait aussi renouer avec la coopération avec les partenaires commerciaux, c’est-à-dire collaborer avec d’autres pays et organisations internationales pour promouvoir les exportations algériennes et accéder à de nouveaux marchés. L’introduction de ces changements  peut concourir à aiguillonner les exportations, à renforcer la compétitivité des entreprises algériennes sur la scène internationale et à résoudre certaines des difficultés auxquelles les exportateurs sont confrontés.

Comment expliquez-vous les lenteurs à réaliser des zones franches à l’exportation à l’instar de plusieurs pays africains moins riches que l’Algérie?

Les retards ou lenteurs dans la réalisation des infrastructures liées à l’exportation peuvent être dus à plusieurs facteurs, quels que soient le niveau de richesse d’un pays comme l’Algérie. Voici quelques explications possibles : Primo, il peut se poser le problème de financement. En clair, la disponibilité de fonds suffisants pour financer des projets d’infrastructure peut être un défi. Les projets d’envergure nécessitent souvent des investissements importants, et les ressources financières peuvent être limitées. Secundo, on peut avoir affaire à la bureaucratie et processus administratifs. Les procédures administratives complexes, les autorisations et les réglementations peuvent entraîner des retards dans la planification et l’exécution des projets d’infrastructure. Tercio, cela peut être imputé  au  manque de planification stratégique.  Une planification insuffisante ou inefficace des projets d’infrastructure peut entraîner des retards. Il est essentiel d’identifier les besoins, de concevoir des projets viables et de mettre en œuvre une planification à long terme. N’oublions pas aussi les problèmes techniques. En effet, des problèmes techniques tels que des difficultés géologiques, des défis environnementaux ou des retards dans l’acquisition de terrains peuvent entraîner des retards dans la réalisation des infrastructures. Concernant le facteur instabilité politique : il faut comprendre que l’instabilité politique, les conflits internes ou les changements de gouvernement peuvent perturber la continuité des projets d’infrastructure. Pour ce qui est de la complexité des partenariats, relevons que la nécessité de coordonner avec divers partenaires, qu’ils soient nationaux ou internationaux, peut compliquer la réalisation des projets d’infrastructure. Enfin, un manque de compétences techniques et de ressources humaines peut entraver la mise en œuvre efficace des projets. Il est important de noter, en somme, que ces facteurs peuvent varier d’un pays à l’autre, et les retards dans les projets d’infrastructure sont souvent le résultat de multiples causes. Pour accélérer la réalisation des infrastructures liées à l’exportation, le gouvernement doit s’efforcer de résoudre ces défis en adoptant une approche holistique qui prend en compte la planification, la gestion, le financement et la coordination efficace des projets.

Ne pensez-vous pas que nos insuffisances logistiques ont contribué à fragiliser notre dossier d’adhésion au BRICS?

Il est important de noter que l’adhésion à des organisations internationales telles que le BRICS peut dépendre de divers facteurs, y compris les performances économiques, les relations diplomatiques, les politiques nationales et d’autres considérations. A la question de savoir si des insuffisances logistiques ont eu un impact négatif sur le dossier d’adhésion de l’Algérie au BRICS, je réponds que  cela pourrait être l’une des nombreuses considérations, mais ce serait généralement évalué  en conjonction avec d’autres facteurs économiques et politiques. L’amélioration des infrastructures logistiques peut certainement renforcer la compétitivité d’un pays sur la scène internationale et faciliter sa participation à des organisations telles que le BRICS. A rappeler que  finalement la candidature de l’Algérie a été rejetée par des pays du BRICS qui favorisent les pays stables et économiquement plus autonomes. La question est de savoir combien de « briques » (millions) faut-il pour entrer dans les Brics ? Certains économistes et experts algériens et internationaux peinent à comprendre ce rejet dans la mesure où l’Ethiopie soit admise dans l’organisation alors qu’elle «pèse moins sur la scène économique africaine, alors que l’Algérie  a un   PIB d’un peu plus de 230 milliards de dollars en 2022, et un revenu annuel par habitant de 5.000 dollars». Dans ce contexte, le rejet des candidatures de pays comme le Nigeria, l’Algérie, l’Indonésie ou le Vietnam qui ont des économies plus puissantes que celles de l’Ethiopie semble incompréhensible. Donnons quelques indications sur les critères dans le choix des six nouveaux des Brics. Selon le chef de la diplomatie russe, le poids, l’autorité et la position du pays candidat sur la scène internationale ont été pris en compte en premier, La Russie et la Chine ainsi que l’Afrique du Sud ont soutenu ouvertement, et depuis le début, la candidature de l’Algérie, ce n’est pas le cas des deux autres membres des Brics, le Brésil et l’Inde, qui auraient voté contre la candidature algérienne. Ajoutons  que l’économie algérienne est « diversifiée » et est en « croissance grâce à une jeunesse créative et à des ressources naturelles abondantes ». Pour les experts algériens , ce sont « autant de facteurs susceptibles de créer des opportunités de coopération fructueuse au sein du groupe ». Au plan politique, l’Algérie partage les positions des Brics sur la nécessité de bâtir un « ordre mondial juste et multipolaire basé sur le respect mutuel ». Un officiel algérien a déclaré à ce propos : « Nous estimons que la vision des BRICS n’est que le prolongement de la vision défendue par l’Algérie depuis des décennies. Nous avons demandé officiellement à rejoindre le groupe des Brics et sa nouvelle Banque de développement en tant qu’actionnaire, avec une première contribution à hauteur de 1,5 milliard de dollars. » On peut évoquer  l’éventuelle adhésion de l’Algérie en indiquant que celle-ci constitue  «une force économique et politique », et en soulignant que notre  pays satisfaisait en grande partie les conditions économiques requises par le groupe. Tel que l’affiche le discours officiel qui souligne notre intérêt à intégrer le BRICS. « L’Algérie s’intéresse aux Brics en ce qu’ils constituent une puissance économique et politique. En fait,  il n’existe pas de critères clairs d’adhésion au BRICS.

Quelles sont de manière succinte les limites de la nouvelle loi monnaie et crédit?

La nouvelle loi sur la monnaie  et crédit   en Algérie, qui a été adoptée, a suscité diverses réactions et préoccupations. Voici de manière succincte quelques-unes des limites qui ont été soulevées par des experts et des observateurs. La loi introduit en premier lieu, des restrictions sur l’utilisation des devises étrangères en Algérie, ce qui peut poser des défis pour les entreprises qui ont des transactions internationales. Elle est interprétée également  comme une possibilité de retour à la loi 98-02 qui consacre  le monopole de l’état sur le  commerce extérieur.  La loi, du reste, renforce le rôle de la Banque d’Algérie dans la régulation des activités financières, ce qui peut entraîner une centralisation excessive du pouvoir. Certains experts craignent aussi  que la loi puisse ouvrir la voie à des nationalisations potentielles dans le secteur financier, ce qui pourrait avoir un impact sur les investissements étrangers.  Des inquiétudes persistent, du reste, quant à la manière dont la loi sera mise en œuvre et interprétée, ce qui peut créer de l’incertitude pour les acteurs économiques.   Beaucoup estiment, en somme, que la loi sur la monnaie et le crédit, bien qu’importante, ne suffit pas à résoudre tous les défis économiques de l’Algérie, et qu’il est nécessaire de mener des réformes structurelles plus larges. Il est important de noter que l’opinion sur cette loi peut varier, et ses effets peuvent dépendre de sa mise en œuvre concrète. Pour une évaluation complète, il est recommandé de consulter des experts en économie et des sources d’actualités fiables qui suivent de près l’évolution de la situation de l’économie nationale.

Quelle est votre appréciation sur les modalités d’attribution  du foncier agricole aux investisseurs notamment dans le sud du pays?

La distribution sécurisée du foncier agricole pour les investisseurs au sud du pays dépend en grande partie de la législation et des régulations en vigueur dans notre  pays. Cela  concerne  aussi le processus adopté a ce jour dans le Sud du pays. La plateforme numérique développée au niveau du ministère de l’Agriculture l’Office de Développement de l’Agriculture industrielle en terres sahariennes (ODAS) qui n’est pas aussi transparente qu’on le pense actuellement. Il existe beaucoup de zone d’ombre notamment la vulgarisation de ce système à tous les operateurs économique algériens et l’information instantanée de l’office aux opérateurs économiques concernés.  Investir dans la terre agricole est par essence un investissement à long terme. Ce type d’investissement s’inscrit dans une logique de durée, loin des stratégies d’arbitrage à court terme qui caractérisent parfois les marchés financiers. C’est une approche qui convient aux investisseurs patients, prêts à attendre plusieurs années pour voir leurs investissements s’apprécier. A cet égard, il faut savoir que «le pourcentage des bénéficiaires qui n’ont pas exploité les terres agricoles s’élevait à 40%, ce qui équivaut à 40 000 hectares de terres inutilisées». Le nombre de dossiers de demandeurs de terres agricoles à travers la plateforme numérique développée au niveau du ministère de l’Agriculture s’élève à 3071 qui sont étudiés avec minutie selon l’ODAS qui fixe  les conditions pour bénéficier de ces terres agricoles pour l’investissement.

Cependant, voici quelques méthodes généralement considérées comme plus sécurisées à titre de suggestion : il faudrait  des contrats de location à long terme et un cahier des charges bien définie. En clair, établir des contrats de location de terres agricoles à long terme avec des clauses bien définies peut offrir une certaine sécurité aux investisseurs avec des objectifs stratégiques de réalisation à court et moyen termes Il faut savoir que les terres agricoles sont des actifs tangibles, qui ne perdent pas leur valeur du jour au lendemain. Leur valeur peut fluctuer en fonction de divers facteurs, tels que les conditions climatiques, les politiques agricoles ou les tendances du marché. Cependant, sur le long terme, la tendance a généralement été à la hausse. De plus, les terres agricoles peuvent générer des revenus réguliers sous forme de loyers, ce qui peut contribuer à améliorer le rendement global de l’investissement. Il faut savoir que l’Office de Développement de l’Agriculture industrielle en terres sahariennes (ODAS) encourage et accompagne les investisseurs dans le sud algérien, car ce type d’investissement demande de la volonté et du courage, en raison du climat chaud qui caractérise notre Grand sud. Dans le sillage des décisions du président de la République qui appellent à  la nécessité d’investir dans les terres désertiques. Concernant, ce type de partenariats avec des agriculteurs et investisseurs locaux réels, collaborer avec des agriculteurs et  investisseurs locaux et internationaux expérimentés peut être une option, où les investisseurs apportent le financement et les connaissances, tandis que les agriculteurs fournissent leur expertise. Aussi, faut-il mettre des gardes fous à l’achat de terres avec garanties légales. Si l’achat de terres est autorisé pour les investisseurs étrangers, assurez-vous de respecter toutes les réglementations et de disposer de garanties légales solides. Il convient aussi pour les investisseurs  de procéder à une  consultation juridique. Il est essentiel, en outre, de consulter des experts juridiques locaux pour comprendre les lois foncières spécifiques du pays et s’assurer que toutes les transactions sont conformes. Il est important de noter, de surcroit, que l’investissement dans la terre agricole nécessite une bonne compréhension du secteur et une bonne connaissance des spécificités locales. C’est pourquoi il est recommandé de se faire accompagner par des professionnels du secteur, qui peuvent apporter leur expertise et leur expérience pour aider à prendre les meilleures décisions. Il faudrait aussi  établir de bonnes relations avec la communauté locale. Cela  peut aider à garantir la sécurité et la durabilité de l’investissement foncier. Effectuer également  une due diligence approfondie sur les terres, y compris des études environnementales et des vérifications de titres de propriété, est essentiel pour éviter les litiges futurs. Ceci  étant,  il est indispensable aussi  de respecter les normes éthiques. S’engager à respecter les normes environnementales et éthiques peut, en effet, aider à prévenir les conflits et à maintenir une bonne réputation. En fin de compte, la sécurité dans la distribution foncière agricole pour les investisseurs dépendra des lois locales, de la transparence des transactions et du respect des droits de propriété. Une approche prudente et bien informée est essentielle.

K.R.

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