Mohamed Yazid Boumghar, économiste à Algérie Invest : «Il n’a jamais été question de critères pour intégrer les BRICS»

Dans cet entretien, l’économiste situe le poids des BRICS dans l’économie mondiale et considère que l’intégration de l’Algérie à cette organisation sera bénéfique pour notre économie. Il suggère de fructifier le 1,5 milliard de dollars proposé par l’Algérie pour devenir actionnaire de la NBD, la Banque de développement des BRICS.
Entretien réalisé par : Khaled Remouche
Algérieinvest : Quel est le poids des BRICS dans l’économie mondiale ?
Mohamed Yazid Boumghar : Les BRICS comptent pour plus du quart du PIB mondial et environ 40% de la population mondiale. Leur PIB dépasse celui de l’Union européenne et ses 28 membres et est proche de celui des Etats-Unis d’Amérique. Il représente aussi environ 30% des réserves mondiales en devises et en or. Indépendamment de ces aspects économiques et financiers, c’est leur poids politique qui impressionne et inquiète. En effet, chacun de ces pays et dans sa zone d’influence, il est un acteur majeur et incontournable dans la diplomatie politique et économique.
Quelle est la plus-value de l’intégration de l’Algérie aux BRICS?
Dans le contexte actuel, c’est l’Algérie qui a à gagner plus du BRICS que l’inverse. D’où la formulation de notre demande en novembre 2022. D’un autre côté, avec l’intégration de l’Algérie, les BRICS gagneront le 4ème pays africain le plus important, en termes de PIB après le Nigéria, l’Egypte et l’Afrique du Sud. Deux des membres les plus importants des BRICS (Chine et Russie) entretiennent déjà des relations économiques et stratégiques très soutenues et ce depuis plusieurs décennies.
Existe-t-il réellement des conditions que l’Algérie doit satisfaire pour adhérer aux BRICS tels que le PIB, la diversification de l’économie, la modernisation du secteur bancaire, la solidité de la monnaie?
Il faut savoir que les BRICS tiennent depuis l’année 2009 leur conférence diplomatique annuelle. Avec celle à venir qui se tiendra en Afrique du Sud au courant de ce mois, il n’a jamais été question de critères pour adhérer aux BRICS. Le seul pays qui s’est joint aux BRIC en 2011 (Afrique du Sud) l’a été sur invitation des quatre pays membres fondateurs et non sur la base d’une demande. Mais depuis l’ère Covid et surtout la guerre en Ukraine, une vingtaine de pays ont émis le vœu de rejoindre les BRICS. Il pourrait être question de mettre en place un cadre formalisé pour «apprécier» les demandes formulées. La réunion du mois d’août nous en dira plus sur les surenchères des réseaux sociaux.
La proposition d’une contribution de 1,5 milliard de dollars dans une première étape pour devenir actionnaire de la Banque de développement des BRICS renforce-t-elle elle la demande algérienne d’intégrer les BRICS?
La prise de participation à la banque BRICS (Nouvelle banque de développement) ne pose pas obligation d’y être membre des BRICS. Preuve en est qu’à l’heure actuelle, cette banque compte huit actionnaires dont trois ne sont pas membres du bloc BRICS (Egypte, Bangladesh et les Emirats Arabes Unis). La question se pose autrement : serait-on capable de mieux fructifier, à notre avantage, ces 1,5 milliards de dollars à l’avenir ? Il est de notoriété que l’Algérie est l’un des principaux actionnaires de Banques et fonds régionaux comme la Banque Africaine de Développement, la Banque Maghrébine d’Investissement et de Commerce et le Fonds Monétaire Arabe. Malgré ces efforts financiers importants de l’Algérie, on n’a pas été, nécessairement, l’un des principaux bénéficiaires des prêts et des aides mises en place par ces Banques et Fonds. Un bilan s’impose dans ce sens avant d’aller plus loin dans des prises de participations dans des banques nouvelles comme la NBD (BRICS).
Faut-il préparer l’économie nationale à une telle intégration : travailler à un niveau de croissance plus important, à une plus grande diversification de l’économie, à un système bancaire et financier plus moderne, un secteur TIC plus dynamique ainsi qu’à une chaine logistique et une monnaie solide?
Les points évoqués dans la question constituent un souci permanent des pouvoirs publics avec plus ou moins de réussite. Il est clair qu’à l’avenir, le « poids » de l’Algérie au sein des BRICS doit trouver son fondement et ses relais dans son environnement économique et sociétal. Raison de plus de travailler sur ces fondamentaux avec plus de sérieux et de régularité loin des aléas du calendrier électoral.
K.R.