Mme Chahrazed Saadi, présidente de SEVE: «Inciter davantage les femmes à créer leurs entreprises»

Pleinement engagée dans l’action associative pour le développement de l’entrepreneuriat féminin, Mme Chahrazed Saadi passe désormais à la présidence de l’Association des femmes algériennes cheffes d’entreprises (SEVE). Son plan d’action pour l’année 2023 est tracé et elle compte le mettre en pratique très prochainement. Elle annonce, d’ores et déjà, la tenue d’ateliers nationaux intitulés «perspectives de l’entrepreneuriat féminin dans le développement local» et le retour du «Prix de SEVE» qui coïncide, cette année, avec le 30ème anniversaire du regroupement professionnel féminin.
Commentant les nouveaux textes de loi, la cheffe d’entreprise soutient que les nouvelles dispositions annoncent une rupture définitive avec des pratiques anciennes qui ont porté grand préjudice à la balance commerciale. Elle considère toutefois qu’il reste beaucoup à faire pour ce qui est du développement des services de l’administration, entre autres, la digitalisation.
Entretien réalisé par: Hakima Laouli
Algerieinvest : Vous êtes cofondatrice et manager d’un cabinet de conseil en développement d’entreprises. Vous avez intégré SEVE en 2012. Dix ans après, vous êtes élue présidente. Racontez-nous votre parcours au sein de cette association de femmes cheffes d’entreprises
Mme Chahrazed Saadi : Admirative de l’engagement et de la persévérance des membres de SEVE et respectueuse des valeurs que porte cette association pionnière de l’incitation à l’entrepreneuriat féminin, j’ai choisi d’adhérer à ce regroupement professionnel qui me semble être une bonne école d’initiation à l’entrepreneuriat et d’apprentissage de l’exercice de l’activité associative, fondée sur le partage et la générosité. A mon arrivée à SEVE en 2012, j’ai été élue membre du bureau, chargée de la communication. Ce bureau a marqué, à mon sens, la volonté de rajeunir les instances de SEVE, alors que l’alternance avait déjà commencé.
La position de SEVE dans le paysage associatif patronal de notre pays exigeait un travail sérieux et durable afin de répondre aux besoins des adhérentes en matière d’information, de réseautage et de dialogue avec les pouvoirs publics. Pour cela, être chargée de communication et de développement de projets par la suite, m’interpellait à m’impliquer davantage dans le développement du réseau de partenaires qui pouvaient apporter un appui au programme de SEVE et de gérer cette relation de partenariat sur le court et moyen terme. Parmi les partenariats dont je suis fière et qui ont été d’un apport considérable à la visibilité de SEVE et aux membres, je tiens à citer le FGAR, L’ANADE, HENKEL Algérie, ALD Automotive et d’autres
Je m’appliquais aussi à développer la communication de SEVE, en mettant en œuvre des outils qui permettent une meilleure connectivité avec les adhérentes et une meilleure visibilité des activités de l’association. Cela s’est traduit par des passages radio/TV, des pages sur les réseaux sociaux, un site web dynamique et des activités qui ciblent plusieurs profils. Bien entendu, ce travail s’est fait avec le concours de mes amies et collègues adhérentes mais aussi des partenaires SEVE qui ont donné une valeur ajoutée à nos programmes. De nouveaux projets seront développés avec eux. Concernant mon élection à la tête de SEVE et que je considère comme une nouvelle expérience, une nouvelle responsabilité
Une responsabilité de plus !
En effet. C’est aussi le prolongement de ce que j’ai toujours accompli à SEVE avec la volonté d’apporter du renouveau dans la vision et les actions. Je suis honorée d’être présidente de cette prestigieuse association qui, au-delà de sa dimension genre, incarne une force de proposition économique. Merci à toutes les adhérentes qui m’ont d’abord suggérée pour être candidate et qui m’ont élue par la suite, leur choix est une responsabilité que j’espère honorer.
Quel est votre programme d’action pour 2023 et peut-être aussi pour les années à venir ?
Depuis le 26 novembre, date du renouvellement du bureau, nous avons tenu plusieurs réunions nécessaires pour mettre en place une stratégie, réorganiser en interne, et échanger avec l’exécutif (déléguées régionales et de wilayas inclus) afin de mettre en pratique, entre autres, le programme d’action 2023 qui a été validé par le bureau exécutif.
Le programme a été conçu autour de quatre grands axes. Le premier consiste à privilégier l’action de proximité dans les territoires. A ce propos, je vous annonce que nous lançons des ateliers nationaux intitulés «perspectives de l’entrepreneuriat féminin dans le développement local», avec le concours des pouvoirs publics qui seront nos principaux partenaires, ainsi que certains acteurs économiques du pays. Ensuite, il est question de capitaliser l’expérience SEVE pour fournir l’information économique sur l’entrepreneuriat féminin.
De même, nous travaillons à améliorer les services aux membres. La première mesure que j’ai proposée à l’assemblée générale et qui a été acceptée, c’est la révision de la cotisation annuelle. Elle est désormais revue à la baisse, tenant compte de la situation financière difficile de nos entreprises. Nous avons, dès la première réunion du bureau, évoqué un ensemble de services que nous allons proposer à nos adhérentes. Le quatrième et dernier axe est de fournir aux pouvoirs publics un plaidoyer argumenté des objectifs structurants.
Pour ces 4 axes, notre programme prévoit des activités que nous sommes en cours de montage. Un grand événement sera également de retour, il a été initié par SEVE en 2000. Il s’agit du «prix de SEVE» qui aura lieu le 12 juin prochain, date de création de SEVE. Pour cette année particulièrement, il sera question de célébrer les 30 années de l’association.
Durant des années, vous avez occupé le poste de coordinatrice Algérie du programme allemand GPP. Vous êtes particulièrement fière d’avoir mis en place le réseau WIB (Women in Business). Que devient-il ?
Cette mission de coordinatrice (2017 à 2022) a été pour moi une évolution professionnelle qui m’a apportée beaucoup de bonnes choses autant sur le plan personnel que professionnel pour tout ce qu’elle m’a offerte comme opportunité d’apprentissage en gestion des ONG, communication, élaboration de programmes de développement, gestion de projets et planification stratégique. Notre réseau se développe tellement bien qu’aujourd’hui le steering comitee dont je suis membre a évolué en une nouvelle entité, avec une présidente qui est, pour ce premier mandat, Mme Belkhiria Leila de Tunisie, et un bureau exécutif. Cette transformation organisationnelle nous permettra un meilleur déploiement, qui sera plus conséquent en terme géographique car d’autres pays vont nous rejoindre. Aussi, en termes de prestations au profit des femmes cheffes d’entreprises.
Je tiens toujours à rappeler que le réseau WIB a mis à la disposition des femmes affiliées aux associations membres, un portail (WIB portal) qui leur permet d’exposer leurs produits et services pour développer le b2b et le commerce entre les pays du réseau.
Comment appréciez vous l’écosystème économique actuel? Est-il favorable pour l’inclusion économique des femmes?
La volonté d’optimiser les mécanismes, les politiques publiques et d’intégrer le genre est de plus en plus évidente. Je le constate à travers la consultation de SEVE par certains départements ministériels quand il s’agit de mettre au point une réforme ou de revoir une loi. Cela est un signe fort que le changement est entamé. L’Algérie a revu récemment son code de l’investissement qui porte plus de stabilité, de transparence, de renouveau dans les structures et leurs rôles. La loi de finances apporte des mesures incitatives à l’investissement, notamment dans certains secteurs où nous sommes compétitifs et avons la ressource naturelle comme la pêche et l’aquaculture. Cette batterie de lois conjuguée à la volonté de rompre définitivement avec les pratiques qui ont alourdi les dépenses et déséquilibré notre balance commerciale, constituent pour nous les prémices d’un programme économique fructueux et au profit du développement du pays. Cependant, ce travail structurant doit être accompagné d’une application rigoureuse, on ne se lassera jamais de le répéter. Là, je veux parler de l’administration qui doit être à la hauteur de ces mesures et qui doit également bénéficier de réformes qui portent sur la digitalisation des processus de travail, de traitement de l’information, de passation de marchés, sans oublier la ressource humaine qui demeurera la pièce maitresse pour porter ces changements et qui a besoin d’être formée aux outils de gestion modernes.
Quant à la présence des femmes dans le secteur économique privé, elle s’améliore mais c’est en deçà du potentiel existant. Pour cela, nous considérons qu’il reste encore beaucoup à faire pour inciter davantage les femmes à créer leurs entreprises et à pérenniser celles déjà créées pour que l’on ait des success stories. Ceci est l’objectif de SEVE à travers les axes de son programme, cités plus haut.
Récemment, votre cabinet de conseil a organisé une formation sur la sécurité digitale. Pourriez-vous nous en dire davantage ?
Le progrès dans le numérique (hard et soft) a transformé nos méthodes de travail et nos habitudes. Il reste néanmoins dangereux de ne pas se protéger, en sécurisant les appareils et les données afin d’éviter des situations parfois difficilement rattrapables. La formation que vous évoquez, a été organisée en partenariat avec le réseau arabe du digital. Elle a porté sur les méthodes de verrouillage des systèmes et appareils contre certains dangers. Nous parlons de femmes et cette formation a été aussi l’occasion de sensibiliser les participantes au risque de harcèlement sur les réseaux sociaux.
H. L.