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M. Souhil Meddah, expert en ingénierie financière et capitalisation «LF2023: La politique générale favorise la croissance par la consommation»

Les dispositions fiscales contenues dans la loi de finances 2023 viennent répondre aux demandes à la consommation, à la faveur de la dernière revalorisation des salaires, des pensions de retraite et de l’allocation chômage. Rien d’étonnant donc qu’elles soient plus orientées vers les secteurs marchands du détail.Dans le présent entretien, l’expert financier, M. Meddah, vice-président du cabinet RMG Consulting, cite quelques avantages des nouvelles mesures devant aboutir à une meilleure équité fiscale et une plus grande inclusion fiscale, soutient-il.Notre interlocuteur fait observer toutefois que la loi de finances 2023 favorise la croissance par la consommation au lieu qu’elle soit tirée par la demande publique. Il nous explique clairement la différence entre les deux.

Aussi, M. Meddah souligne la nécessité d’encadrer l’aide au pouvoir d’achat par une politique monétaire vigilante et réaliste. Il estime nécessaire de miser sur un dinar très compétitif sans trop le surévaluer.

Autres questions abordées dans cet entretien avec l’expert financier, la monnaie numérique, la finance islamique et l’adhésion annoncée de l’Algérie au Club des BRICS.

Entretien réalisé par : Hakima Laouli

Algerieinvest: Comment analysez-vous les dispositions fiscales contenues dans la loi de finances 2023 ?

M. Souhil Meddah: Comme à chaque rendez-vous, les lois de finances sont généralement disposées soit pour intervenir de manière fondamentale sur des programmes de dépenses massives ou des prévisions de recettes par rapport aux évolutions des marchés à l’export ou ceux de l’activité intérieure. Soit, elles contribuent successivement et graduellement, d’une part, dans la réorganisation ou l’ajustement des critères macro et microéconomiques ou, d’autre part, dans l’accommodation des acteurs sur les critères utiles et nécessaires pour une bonne collecte des ressources avec une ligne efficace de dépenses.

A ce titre, les dispositions fiscales dans la loi de finances 2023 répondent essentiellement aux impératifs d’enchaîner sur la restructuration de l’acte fiscal, de permettre une meilleure équité fiscale dans la maîtrise de la charge fiscale par rapport à la nature des valeurs imposables des redevables et enfin, une simplification des circuits pour les catégories d’activité qui sont relativement moins ou très peu fiscalisables. 

Cet ensemble de mesures s’enchaîne sur d’autres mesures précédentes, dans le but d’inciter à une plus grande inclusion fiscale, tenant compte des contraintes constatées par rapport au coût de la fiscalité et aussi dans l’espoir de neutraliser ou limiter les pratiques de sous-déclarations, sachant qu’actuellement, la capacité de recourir à des opérations de contrôle, de recoupement et à la vérification de tous les redevables fiscaux, demeure sensiblement difficile à assurer de façon globale.

Sur un plan plus macroéconomique, la réorganisation des méthodes de calcul de la base fiscale permet de détacher les éléments qui composent les prix de vente sur les marchés divers, notamment ceux qui sont en relation avec les consommateurs de masse, soit sur la base d’une marge dégagée, ce qui permet également dans un ordre plus microéconomique, de faire figurer l’ensemble des éléments qui composent les coûts et de les vérifier ultérieurement.

Dans ce sens, il sera plus facile aux services de contrôle de vérifier la véracité des données via des recoupements mieux ajustés, occasionnant un éclaircissement sur la traçabilité des données. D’autre part, le relèvement du seuil d’imposition pour les loyers à plus de 1,8 million de dinars pour une imposition provisoire à 7% s’inscrit dans le cadre de l’actualisation de la nomenclature des revenus mensuels ou annuels, sachant qu’à partir de ce seuil, la différence est appliquée directement sur les tranches des revenus inscrits dans la nomenclature des taux d’IRG par paliers. 

En revanche, la disposition qui permet le relèvement des charges déductibles payables en espèces, même si elle s’inscrit en faveur des contribuables commerçants, en leur permettant une plus grande souplesse dans l’exercice de leur activité, ne doit pas se substituer aux autres instruments de transactions financières qui sont en projet, tels que l’e-paiement.

De façon globale, comment décrivez-vous ces nouvelles mesures fiscales ?

Pour synthèse, les dispositions fiscales pour la loi de finances 2023 sont orientées pratiquement vers les secteurs marchands du détail qui répondra aux demandes à la consommation, escomptées sur les dotations prises sur revalorisation à la hausse des salaires des fonctionnaires, des pensions de retraite et des allocations chômage, matérialisée par des revenus en plus contre des flux financiers en plus grand volume. Sachant que les dispositions pour les autres secteurs d’activités, les plus structurants, ont bénéficié des clauses et des textes d’application revus dans la loi sur l’investissement. Avec un effet souhaité par rapport aux besoins de régulation du pouvoir d’achat, l’amélioration de la composante de l’assiette fiscale ordinaire et la simplification des pratiques fiscales pour le contribuable de petite capacité dans le but de le fidéliser fiscalement. 

Etes-vous optimiste pour l’année 2023 pour ce qui est justement des finances publiques et de la valeur du dinar ?

Dans un ordre de grandeur, le volume de la dépense publique est très important, tout en rappelant qu’en phase de ralentissement économique, le volume des dépenses devient un facteur très déterminant dans le sens où il favorise la croissance économique en valeur et en rubriques d’intérêt.

Bien qu’au bout de la chaîne, cela risque de se solder sur un déficit public relativement important, le recours à un tel instrument devient vital pour la croissance, tout en notant que notre modèle de croissance sera plus heurté à une dette publique intérieure qu’extérieure. La question qui se pose dans ce type de modèle est l’affectation de la dépense publique dans sa rubrique équipements ou dans la rubrique fonctionnement.

La copie de la LF 2023 démontre l’orientation de la politique générale pour favoriser la croissance par la consommation au lieu qu’elle soit tirée par la demande publique. La différence entre les deux formes de dépenses, c’est que la dépense par l’équipement ou la demande publique permet de mettre en œuvre une locomotive structurante qui distribue des revenus tout en engageant des postes d’emploi nouveaux actuels et futurs. Elle permet aussi de créer d’autres postes d’emploi pour les structures et les infrastructures réalisées. Elle permet également de dégager des ressources sur la monétisation des services et produits potentiellement engageables implicitement ou explicitement à partir des investissements réalisés. La dépense publique en équipements contribue aussi à la redistribution des richesses soit par les couvertures sociales nouvelles ou par la naissance de nouvelles niches d’activités dans le contour des projets engagés, ainsi que vers les différents secteurs marchands à travers la consommation des ménages qui bénéficient des revenus directs.

Cependant, au-delàs de ces effets positifs, l’instrument de la dépense publique en équipements se caractérise toujours par sa temporalité limitée, c’est-à-dire qu’il ne peut pas se maintenir sur une durée trop longue sans qu’il ne soit attaché et suivi par une politique cadrée sur les offres nouvelles sur le marché global.

A contrario, l’instrument cadré sur la dépense en fonctionnement permet de donner plus de pouvoir d’achat, avec une contrepartie sur l’investissement qui doit être soutenu et réalisé par les opérateurs économiques. Cette mesure ne peut être efficace sans l’accompagnement de tout l’écosystème qui entoure les unités ou entreprises qui investissent dans différents domaines liés à la consommation en général, tout en misant sur une diversification des offres plus élargies. Ceci impliquera notamment l’apport du secteur financier et de ses offres en termes des crédits à l’investissement et à la consommation ou de l’apport des autres institutions par rapport aux formules de contribution ou de capitalisations financières possibles. Dans le même sens, l’aide au pouvoir d’achat doit être encadrée par une politique monétaire très vigilante et très réaliste et dans le cas présent, il serait fortement souhaitable de miser sur un dinar très compétitif sans trop le surévaluer.

Une nouvelle loi sur la monnaie et le crédit verra bientôt le jour. Quelles en sont vos attentes ?

Une simple harmonisation et actualisation avec les aspirations et les espérances pour les objectifs espérés. Il sera, à ce titre, souhaitable d’éclairer les possibilités intentionnistes vis-à-vis des investissements à l’étranger couplées aux règlements et instructions qui détermineront les modes opératoires sur les règles relatives aux IDE dans la perspective de soutenir la balance des paiements en équilibrant les flux entrants et sortants ou de nouveaux flux captifs en permanence, à la fois dans la rubrique capital que sur les comptes des transactions courantes, surtout en revenus.

Aussi sur les possibilités d’ouvrir plus d’espace en adoptant les IPE sur portefeuilles qui généralement sont des flux de courtes durées qui alimentent les espaces de placement et de participation comme pour la Bourse d’Alger.

Il est également question de cadrer les pratiques de la finance islamique, en avançant l’objectif de collecter plus de ressources épargnantes avec la prise de risque financier au même titre que le risque constaté sur les investissements sur le marché réel.

Le ministre des Finances, Brahim Djamel Kassali, a annoncé la mise en place prochaine d’une monnaie numérique. Est-ce une bonne chose ?

La monnaie numérique qui est un instrument de paiement direct sans contact, sera complémentaire au même titre que la monnaie fiduciaire dans son rôle d’instrument d’échanges. Il s’agit d’une nouvelle forme gérée de façon digitalisée sur une plateforme de la Banque d’Algérie (qui n’a aucune relation avec l’inclusion financière ou de l’intégration des revenus logés dans les espaces informels) avec des dotations envoyées sur les portefeuilles des consommateurs (personnes physiques ou morales).

Son avantage, c’est de limiter l’usage massif des billets de banque, par rapport à un volume des transactions en cash qui reste relativement très important surtout par rapport aux marchés de détail, de distribution ou de services.

L’Algérie a déposé son dossier d’adhésion au Club des BRICS. Qu’en pensez-vous ?

Au vu des mutations internationales constatées ou d’autres qui sont probables, il devient impératif et imminent que les économies qui cherchent à émerger ou à s’aligner sous la couverture d’un ordre politico-économique, en phase de nouvelle mutation, se positionnent et s’imposent comme des forces décisionnelles, dans des domaines géopolitiques annexés par les questions d’alliances multiples y compris celles dont le but coïncide avec la solidarité avec la consolidation économique et financière.

L’intention de notre politique d’adhérer à ce groupe des grandes puissances interprète réellement ce besoin, mais surtout l’orientation espérée par les pouvoirs publics d’anticiper sur deux questions essentiels. La première étant la nécessité de faire face à de multiples ajustements géostratégiques qui s’annoncent, avec notamment les points de force qui sont en train de changer de position, comme c’est le cas pour la dé-dollarisation ou de l’intention d’émancipation engagée par rapport au système financier international devenu trop exigeant.

A juste titre et, pour ce point précis, cette tendance n’est pas encore confirmée de façon explicite mais demeure implicitement ressentie et subie par, d’une part, la réaction des grandes puissances de ce groupe par rapport à la confrontation qui les oppose aux autres alliances occidentales. Egalement, le fait que les pays membres de ce groupe espèrent s’organiser et se positionner comme une force mondiale supranationale libre de toutes pressions occidentales ou ultimatums géopolitiques imposées, tout en veillant à garder les mêmes distances par rapport aux puissances régionales ou mondiales qui, de façon croisée, pourront s’impliquer dans les lignes diplomatiques et politiques adoptées par les membres des BRICS.

Et la deuxième?

Il s’agit de la possibilité de faire bénéficier à notre économie de potentielles sources de financement, dans la mesure où des projets structurants s’annoncent, le cas échéant, sachant que l’une des perspectives du groupe des BRICS, est de détenir une émancipation financière institutionnelle formelle et efficace au même titre que le FMI ou la BM, en s’appuyant sur les services de la Nouvelle Banque de Développement dédiée à soutenir et accompagner financièrement les pays de ce groupe. Ceci dit, et de façon plus globale, le recours aux institutions mondialisées est en train de confirmer la vulnérabilité face aux différents chocs économiques et stratégiques, contrairement aux différents engagements supranationaux qui présentent moins de risques. Ce groupe est composé de pays qui assurent plus de stabilité et de crédibilité de leurs échanges avec le reste du monde. 

H. L.

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