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M. Karim Belmokhtar spécialiste en énergies renouvelables : «Il faudrait considérer un mix solaire PV et solaire thermique pour réussir la transition énergétique»

M. Karim Belmokhtar (Ph.d.), est un éminent spécialiste en génie électrique et plus spécialement en électrotechnique, installé au Canada. Actuellement, il occupe le poste de spécialiste contenu scientifique (en quelque sorte la direction scientifique) dans un centre de recherche (Nergica) spécialisé dans les énergies renouvelables. Son parcours académique commence tout d’abord en Algérie.

«J’ai fait une partie de mes études en Algérie. De l’école primaire dans un village reculé, au pied d’une montagne dans la wilaya de Boumerdes jusqu’à l’université de Mouloud Mammeri à Tizi-Ouzou où j’ai eu un diplôme d’ingénieur (en génie électrique)», confie-t-il à Algérie Invest. En 2003, il part en France poursuivre ses études. Il fait une maîtrise à l’Université de Poitiers avant de partir s’installer au Canada où il a eu son doctorat. « Avec mes travaux de recherche au doctorat, j’ai travaillé sur les différentes problématiques liées à l’approvisionnement énergétique. L’objectif principal est de réduire l’utilisation des carburants fossiles et l’augmentation de la résilience des réseaux électriques. Les solutions sur lesquelles je travaille abordent la question de l’intégration importante des énergies renouvelables tout en maintenant la fiabilité des réseaux électriques Ceci passe par l’utilisation de technologies de stockage (batteries, roues d’inertie, hydrogène, air comprimé, etc.)», raconte le scientifique.

Au Canada, il travaille aussi sur le développement de systèmes de contrôle optimaux pouvant mieux gérer le caractère fluctuant des énergies renouvelables, en utilisant des techniques avancées comme l’Intelligence artificielle (IA), la programmation dynamique, etc. pour proposer des solutions de contrôle robustes. « En résumé : plus d’énergies renouvelables dans les réseaux électriques en s’appuyant sur l’utilisation de technologies de stockage et de systèmes de contrôle optimaux », note-t-il.

Des algorithmes intelligents pour prédire la production des sources d’énergie renouvelable

L’un des projets sur lesquels travaille le chercheur algérien, concerne le développement d’un modèle de prévision énergétique à très court terme (nowcasting). Il s’agit de développer des algorithmes intelligents basés sur l’IA afin de prédire la production des sources d’énergie renouvelable comme le solaire photovoltaïque ou l’éolien. « Comme spécialiste de contrôle de micro réseau, je travaille sur le développement d’algorithmes intelligents en utilisant l’IA. L’objectif étant que ces derniers doivent prédire la production d’un parc solaire dans les 2 prochaines heures avec un pas de 5 minutes. Donc, ces algorithmes vont nous permettre d’avoir une meilleure estimation de la production durant cette fenêtre-là », explique le spécialiste. Ainsi, poursuit-il, « si par exemple ces algorithmes nous disent que dans les prochaines 10 minutes, on va avoir une baisse rapide de la production (à cause du passage d’un nuage par exemple), alors le contrôleur va prendre cette information en compte pour décider par exemple de solliciter un peu plus les batteries ou démarrer une autre génératrice diesel à l’avance pour éviter un déséquilibre du micro réseau qui pourrait générer son arrêt total ». Cette solution est à implanter dans tous les systèmes de contrôle des micro réseaux, estime le scientifique puisqu’elle va améliorer encore plus la robustesse de ces micro réseaux.

Le Pr Belmokhtar s’intéresse de près à la question du déploiement d’un plan de transition énergétique en Algérie. « Comme je dirige en parallèle un regroupement d’experts et des membres de milieux (industriels) qui s’appelle le CITEQ-FRQNT (regroupement financé par le gouvernement du Québec), je m’intéresse un peu plus aux questions liées à la transition énergétique au Québec et au Canada. C’est pourquoi je m’intéresse à la question de la transition énergétique en Algérie, mon pays », dit-il.

« La transition énergétique n’est pas une fin en soi »

De par son expérience, Pr Belmokhtar estime avoir une certaine « vision » sur la manière avec laquelle l’Algérie pourrait déployer un plan de transition énergétique. « Notre pays est confronté aux changements climatiques. Nous allons vivre de plus en plus ces impacts : des températures élevées, des hivers courts, etc. La transition énergétique n’est pas une fin en soi. Comme son nom l’indique, c’est un passage obligé d’un mode de production et d’utilisation de l’énergie vers un autre mode », fait remarquer le chercheur. Pour réussir une transition énergétique, il considère qu’il faut mettre en place un « plan ambitieux » où tout l’écosystème doit être impliqué. « Les pouvoirs publics, l’industrie, les chercheurs, la population, etc. Ça nécessite l’adhésion de tout ce beau monde-là », relève-t-il. Pour notre interlocuteur, il va falloir avancer sur 2 piliers : produire plus d’énergie renouvelable pour satisfaire nos besoins énergétiques qui sont en croissance et consommer mieux (la sobriété énergétique). Sur le volet de l’énergie renouvelable, le Pr Belmokhtar fait remarquer que l’Algérie possède un « excellent » potentiel solaire. « Nous devons exploiter cette ressource pour satisfaire nos besoins. Par exemple nous utilisons abondamment la climatisation durant l’été, là où la production solaire est meilleure. Ceci va nous permettre de réduire l’utilisation du gaz naturel pour produire de l’électricité. Ce gaz pourrait être exporté, avoir donc des revenus supplémentaires pour les investir dans des créneaux porteurs et d’advenir », analyse-t-il. Toutefois, le chercheur dit avoir « un bémol » sur la vision 100% solaire photovoltaïque. Et plaide pour un mix « solaire photovoltaïque et solaire thermique ». « Nous avons un excellent potentiel solaire, mais dans le sud, au-delà d’une certaine température (typiquement 35°C), le rendement des panneaux solaire PV chute. Donc, pensons aussi au solaire thermique pour produire de l’électricité. Le solaire thermique va nécessiter aussi moins de stockage contrairement au solaire PV », fait observer l’expert algérien. Celui-ci émet une certaine réserve concernant la capacité du pays à installer 15 GW de solaire PV d’ici 2035 « alors qu’on n’a pas encore atteint 600 MW de solaire PV installés ». Concernant la sobriété énergétique, le chercheur appelle à travailler sur les économies d’énergie, l’isolation des bâtiments, généraliser les lampes LED, sensibiliser la population, etc.

Younès Djama

North Africa Energy & Hydrogen Exhibition and Conference
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