M. Hebib Si Ali, consultant en droit du travail et ressources humaines : «Réactiver les tripartites et imposer une périodicité de la négociation collective»

Quelques 2,8 millions de travailleurs de la fonction publique bénéficieront d’une augmentation de salaires entre 4500 DA et 8500 DA en 2023 et 2024. Aussi, un nombre de 900 000 retraités sont concernés par la revalorisation de leur pension qui va passer de moins de 10 000 DA à 15 000 DA, alors que 250 000 autres percevront désormais une pension de 20 000 DA au lieu de 15 000 DA. Quant aux chômeurs, environ 1 900 000, ils auront droit à une allocation de 15 000 DA par mois.
Dans le présent entretien, le spécialiste en droit du travail fait observer que les travailleurs du secteur économique ne sont pas concernés par les augmentations salariales. Du moins pour le moment tant que les tripartites sont gelées. Et pas de négociations collectives annoncées à l’horizon, elles ne sont pas obligatoires en droit algérien.
Entretien réalisé par : Hakima Laouli
Algerieinvest : Des augmentations de salaires entre 4500 DA et 8500 viennent d’être annoncées pour les deux années 2023 et 2024. De même qu’une revalorisation des pensions de retraite, ainsi que de l’allocation chômage. Comment appréciez-vous ces réajustements décidés à l’issue du dernier Conseil des ministres?
M. Hebib Si Ali : En effet, ces augmentations concernent trois catégories de populations. En premier, il s’agit des fonctionnaires au nombre 2,8 millions. Ils vont bénéficier d’une augmentation variant entre 4500 DA/an et 8500 DA/an selon les catégories, soit des augmentations cumulées au cours de 2022, 2023 et 2024 qui vont atteindre 47% au total.
La deuxième catégorie est celle des retraités qui ont bénéficié d’une augmentation répartie sur deux types de pensions:
- Relèvement du seuil minimum de l’allocation de retraite à 15 000 DA pour ceux qui percevaient une pension inférieure à 10 000 DA pour 900 000 retraités.
- Alignement des pensions de retraite au niveau du montant du SNMG à 20 000 DA pour ceux qui percevaient une pension de 15 000 DA pour 250 000 retraités.
La troisième catégorie est celle des chômeurs bénéficiant de l’allocation chômage au nombre de 1 900 000, selon la déclaration du ministre du Travail. Ils vont voir leur allocation-chômage passer de 13 000 DA à 15 000 DA, soit une augmentation nette de plus de 15% nets d’impôts, en plus de la prise en charge par l’Etat des charges de la couverture de la sécurité sociale pendant la période de bénéfice de l’allocation chômage.
Pour les augmentations des retraites, nous pensons qu’elle va créer un tassement vers le bas de l’échelle des retraites qui risque de déclencher des mécontentements venant des retraités qui n’ont pas bénéficié de cette mesure.
Pour cela, la législation encadrant la retraite sera revue au regard des nouvelles augmentations et ce, suite à l’alignement de l’allocation de retraite à 75% du SNMG et le minimum de la pension de retraite à 100% du SNMG.
Quelle lecture faites-vous de l’instauration de l’allocation chômage ?
Ce dispositif est devenu plus que nécessaire pour absorber le nombre grandissant des chômeurs, surtout que le dispositif DAIP a montré ses limites en matière de réinsertion des jeunes chômeurs au sein du monde du travail.
C’est une autre manière de porter le soutien destiné à la catégorie socialement vulnérable. Il est nécessaire de permettre aux entreprises de recruter ces mêmes bénéficiaires pour leur donner l’occasion d’intégrer le domaine professionnel, et gagner en expérience. Un nouveau modèle de dispositif DAIP actualisé.
Apparemment, les augmentations de salaires ne concernent que la fonction publique. Qu’en est-il du secteur économique?
Les salariés du secteur économique doivent attendre, le ministre du Travail nous renvoie vers la négociation collective pour toute décision d’augmentation de salaires.
La négociation collective n’est pas obligatoire en droit algérien. En plus, les fameuses tripartites sont gelées depuis 2017. Il faut légiférer pour imposer une périodicité de la négociation collective au sein des entreprises.
Que préconisez-vous pour réhabiliter l’ensemble des travailleurs dans leurs droits à un salaire décent et une vie professionnelle digne ?
Il est absolument nécessaire d’aligner les augmentations salariales périodiques au taux de l’inflation. Aussi, il faut encourager l’instauration d’un climat de concertation continu entre les syndicats des travailleurs et les employeurs.
H. L.
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