Lutte contre l’inflation: « Le taux de réserve obligatoire devrait atteindre progressivement les 12% » (Mohamed Krim)

La Banque d’Algérie vient d’utiliser un instrument de la politique monétaire qui est le régime des réserves obligatoires, dans l’objectif d’absorber une partie de la surliquidité sur le marché et minimiser l’inflation. Selon M. Mohamed Krim, spécialiste en management bancaire, cette mesure a un effet immédiat sur l’octroi des crédits, car plus le taux des réserves obligatoires est élevé, moins les banques seront enclines à accorder des crédits.
Par Karima Mokrani
Jeudi dernier, le Comité des opérations de politique monétaire (COPM) de la Banque d’Algérie s’est réuni sous la présidence du gouverneur, M. Salah Eddine Taleb. Dans un communiqué, la Banque centrale rapporte que le Comité des opérations de politique monétaire a décidé d’une augmentation du taux de réserve obligatoire de 1% pour le ramener à 3%, à compter du 15 avril 2023 et de renforcer les reprises de liquidité bilatérales introduites au mois de septembre 2020 pour les porter à 600 milliards de dinars. Le Comité des opérations de politique monétaire a été motivé par des indicateurs macroéconomiques satisfaisants.
En effet, le communiqué de la Banque d’Algérie indique que le programme spécial de refinancement, d’un montant de 2100 milliards de dinars, initié par la Banque d’Algérie en juillet 2021, a été clôturé en juin 2022. A ce jour, un montant de 463,37 milliards de dinars, soit 22 % du programme, a été déjà remboursé.
Il est également mentionné que les fondamentaux de l’économie nationale ont connu une amélioration. À fin mars 2023, le solde global de la balance des paiements a enregistré un excédent de 4,5 milliards de dollars, tandis que les réserves officielles de change (y compris les DTS) ont atteint 66,14 milliards de dollars, contre 60,99 milliards de dollars à fin décembre 2022.
Le compte courant du Trésor à la Banque d’Algérie a également connu une forte amélioration, avec un solde positif de 1 788,31 milliards de dinars à fin mars 2023, dont 833,73 milliards de dinars logés dans le Fonds de Régulation des Recettes. La liquidité bancaire est passée de 1 996,41 milliards de dinars à fin décembre 2022 à 2 475,817 milliards de dinars à fin mars 2023, grâce à l’augmentation des revenus des exportations. Toutefois, cette liquidité contraste avec une croissance modérée des crédits à l’économie, qui n’ont augmenté que de 3,27% à fin décembre 2022 et de 0,64% à fin février 2023.
La Banque d’Algérie assure que les nouvelles mesures «ciblent, dans un premier temps, les sources de l’excès de liquidité, potentiellement inflationnistes, tout en maintenant le système bancaire en situation permettant le financement de l’économie nationale sans effet d’éviction et sans coûts supplémentaires».
Contacté par Algerieinvest, M. Mohamed Krim, consultant, enseignant à l’Ecole supérieure de banque et ancien PDG de la BDL, affirme que la Banque d’Algérie vient d’utiliser un instrument de la politique monétaire, en l’occurrence le régime des réserves obligatoires, pour absorber une partie de la surliquidité sur le marché afin de minimiser l’inflation. Cette mesure a un effet immédiat sur l’octroi des crédits car plus le taux des réserves obligatoires est élevé, moins les banques seront enclines à accorder des crédits.
M. Krim explique que lorsque le taux des réserves obligatoires était de 1%, cela signifiait que si une banque accorde un crédit de 1000 DA, à titre d’illustration, elle crédite le compte de dépôt de son client du même montant et doit alors déposer 10 DA à la Banque d’Algérie. Maintenant qu’il est monté à 3%, ladite banque doit constituer une réserve de 30 DA auprès de la banque d’Algérie pour le même crédit accordé.
Toutefois, fait observer le spécialiste en management bancaire, ce taux n’est pas suffisamment élevé pour limiter substantiellement les banques dans l’octroi de crédit vu que la liquidité en circulation demeure importante. Par conséquent, la Banque d’Algérie doit encore revoir à la hausse le taux de la réserve obligatoire pour atteindre progressivement 12%. Elle pourrait également agir sur les taux directeurs (loyer de l’argent), un autre levier viable pour contenir l’inflation.
K. M.