Karima Kadda touati : «il faut libérer le marché des ENR aux investisseurs privés en mode IPP»

La durée d’ensoleillement sur la quasi-totalité du territoire national dépasse les 2 000 heures annuellement et peut atteindre les 3 900 heures au niveau des hauts plateaux et du Sahara, souligne Mme Karima Kadda touati Bergheul, experte en énergies renouvelables & économie verte et présidente de l’Association des femmes en économie verte. Si l’’Algérie dispose un potentiel important en ressources renouvelables, L’experte relève toutefois que ce potentiel est «sous-exploité». A titre d’exemple, les énergies solaire et éolienne dont seulement 495 mégawatts (MW) ont été réalisés sur les 22000 MW programmés pour 2030. Pour booster l’essor des ENR, Mme Bergheul suggère entre autres de libérer ce marché aux investisseurs privés.
Propos recueillis par : Younès Djama
Algérie Invest : L’Algérie est l’une des régions les plus favorisées pour le déploiement à grande échelle des énergies renouvelables (ENR). Quels sont les atouts en la matière ?
Mme Karima Kadda touati. L’Algérie dispose un potentiel important en ressources renouvelables (solaire PV et éolien) (estimé à 242 327 TWh/an équivalent à 9.33 fois la consommation électrique mondiale actuelle qui est de 26 000 TWh/an) qui permet d’atteindre une production d’énergie considérable à l’échelle nationale. Ce potentiel solaire dont dispose l’Algérie est le plus important du bassin méditerranéen. La durée d’ensoleillement sur la quasi-totalité du territoire national dépasse les 2 000 heures annuellement et peut atteindre les 3 900 heures au niveau des hauts plateaux et du Sahara. La ressource éolienne de l’Algérie varie en fonction des localités et des régions. Les sites côtiers (Oran, Bejaïa et Annaba) et sur les hauts plateaux (Tébessa, Biskra, Msila et El Bayadh) offrent des zones à fort potentiel éolien. Tandis que le sud est caractérisé par des vitesses de vent plus élevées que le Nord. En particulier, le Sud-est du pays où l’on enregistre des vitesses supérieures à 7 m/s. Sans oublier le potentiel de la géothermie, où l’Algérie représente le plus grand pays d’Afrique en superficie et d’un important potentiel en nappes albiennes, existant sous forme de réservoirs de vapeur et d’eaux chaudes, qui sont considérées comme une ressource de production de chaleur, qui a elle seule peut offrir une opportunité très importante dans la production d’électricité. Malheureusement, cette énorme ressource est sous-exploitée en Algérie, malgré le fait qu’elle pourrait être exploitée dans le secteur de l’agriculture et la production d’électricité. De même pour les énergies solaire et éolienne dont seulement 495 mégawatts (MW) ont été réalisés sur les 22000 MW programmés pour 2030.
Quels sont les freins au déploiement des ENR ?
Il faut savoir que le financement des grandes centrales reste un frein pour le déploiement des grandes capacités solaire et éolienne. Sachant que les investissements sont conséquents, il faut libérer ce marché aux investisseurs privés en mode IPP (Producteurs indépendants de l’énergie), sachant que le gouvernement a lancé un projet de 1000 MW au début de l’année 2022, pour la réalisation de cinq centrales solaires photovoltaïques. A mon avis ce mode de financement (IPP) donne plus de responsabilité à l’investisseur au niveau de la réalisation, la production, la maintenance et l’exploitation sur une durée de 25 ans. Pour ce qui concerne les petites installations, il faut règlementer l’intégration de la production d’énergie verte dans le réseau électrique basse tension, et cela pour encourager les petits installateurs à vendre leur électricité.
Comment réussir le grand déploiement des ENR ?
À mon avis, il faut favoriser d’abord les petites installations solaires, et les installations décentralisés afin de couvrir la demande énergétique dans les localités éloignées et intégrer les ENR graduellement dans le réseau électrique.
L’Algérie met le cap sur l’hydrogène qui est parmi les priorités du plan du gouvernement. Le ministre de l’énergie a déclaré récemment que la mise en place des dernières retouches sur la stratégie nationale de développement de ce segment était en cours. D’abord un mot sur cette énergie verte et aussi les mécanismes de développement de cette filière ?
Pour ce qui est de l’hydrogène vert, il faut savoir que c’est une source d’énergie renouvelable, qui permet de stocker l’énergie provenant des ressources renouvelables vers la chaleur, l’hydrogène, le gaz…Cette production de manière écologique permet la réduction des GES (gaz à effet de serre) dans le secteur de l’industrie et du transport. De plus, l’infrastructure existante en l’Algérie dans le secteur du pétrole et du gaz (pipelines, terminaux de gaz liquéfié, etc.), son industrie gazière industrielle, ainsi que son potentiel exceptionnel en matière d’énergie éolienne et solaire et sa proximité avec les marchés européens, en font un fournisseur potentiel d’hydrogène vert. Une production nationale d’hydrogène vert représenterait pour l’Algérie une opportunité intéressante de diversifier ses exportations et permettra la diversification économique du pays, en accord avec la stratégie de diversification élaboré du gouvernement.
Avez-vous été convaincue par les résultats de la COP27 en Egypte ?
La COP 27 s’est clôturée sur un accord décisif visant à fournir un financement des pertes et préjudices aux pays vulnérables durement touchés par les effets des changements climatiques. Cette décision arrive dans un contexte géopolitique assez difficile, afin d’accélérer leurs transitions énergétiques pour limiter l’augmentation de la température de 1.5 degré au-dessus des niveaux préindustriels, et s’adapter aux conséquences des inévitables des changements climatiques, et en favorisant ainsi le soutien financier, technologique et le renforcement des capacités de ces pays.
Par conséquent, l’Algérie doit s’insérer dans ces programmes de financement pour développer davantage les projets verts notamment le renouvelables (solaire, éolien et hydrogène).
Y.D.
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