Boukhalfa Yaici, Directeur général du cluster énergie solaire à propos des centrales photovoltaïques: «le financement des premiers rounds sera assuré par l’Etat»

Dans cet entretien, ce responsable du cluster énergie solaire aborde l’importance de la 11ème édition du Napec qui s’est tenu à Oran du 13 au 16 novembre. Une édition centrée sur la transition énergétique, l’innovation dans les solutions pour réduire les émissions de CO2 et le développement de l’hydrogène vert. Il analyse également les résultats de l’appel d’offres 2000 MW
De notre envoyé spécial au NAPEC : Khaled Remouche
AlgerieInvest : Quel est l’importance de l’évènement (NAPEC 2023) qui a lieu actuellement à Oran ?
M. Boukhalfa Yaici : L’énergie reste le moteur de l’économie qu’elle soit mondiale ou nationale. En Algérie, le secteur de l’énergie est un secteur stratégique puisqu’il est là pour satisfaire les besoins du pays et financer l’économie du pays via l’exportation des hydrocarbures.
Depuis plusieurs années, la thématique de la transition énergétique en Algérie est régulièrement amenée au-devant de la scène lors de manifestations comme celle du NAPEC qui permettent de faire le point et de savoir où nous en sommes. Depuis le début de 2023, nous constatons l’implication des plus hautes autorités du pays avec la décision prise de relancer le programme des énergies renouvelables de 15000 MW. Nous constatons un début d’application sur le terrain et c’est encourageant.
Au NAPEC, c’est aussi le lieu où les acteurs issus du secteur de l’énergie viendront débattre de ce qui se passe à l’échelle internationale avec les multiples défis liés au changement climatique, à la sécurité énergétique et à la transition énergétique qui appelle aussi une transformation de la manière de produire et de consommer l’énergie sans empreinte carbone, une révolution à mener avec toutes les parties prenantes locales et internationales.
La transition énergétique est la thématique principale de cet évènement. Comment voyez vous cette transformation ?
Les effets du changement climatique sont déjà là et nous le constatons chaque jour. Un pays comme l’Algérie va être impacté de manière importante avec une augmentation de la température, des étés plus long, une sècheresse qui va impacter les capacités agricoles du pays, etc. Nous devons apprendre à utiliser de manière optimale et surtout durable les ressources disponibles, à tirer profit de nos ressources renouvelables pour transformer notre économie, sortir de la dépendance des fossiles et s’engager fermement vers les industries du futur comme le véhicule électrique et l’hydrogène vert. Cette transformation nous impose de réfléchir à construire un modèle économique où la valeur ajoutée devrait être localisée sur le territoire national et n’exporter que des produits finis et réduire l’exportation des matières premières. La transformation devrait être à ce niveau-là. Cette transformation va permettre au pays de se développer et de créer des opportunités pour les entreprises et la création de postes d’emploi.
Comment analysez vous les résultats provisoires inhérents à l’appel d’offres 2000 MW?
De prime abord, il y a lieu de féliciter l’entreprise Sonelgaz pour avoir engagé de manière vigoureuse la mie en œuvre d’un premier jet de 2000 MWc lancé pour rappel le 27 février 2023, l’ouverture des plis techniques a eu lieu le 24 juillet 2023, l’ouverture des plis financiers a eu lieu le 25 septembre 2023 et finalement l’annonce des attributions provisoires via le BAOSEM qui a été affichée le 05 novembre 2023. En tout, le processus a duré 8 mois auquel il faut ajouter quelques semaines pour la signature des contrats et le début de la réalisation. Réalisation que nous espérons effective dès janvier 2024.
Nous avons noté avec satisfaction la participation effective des entreprises de droit algérien dans cet appel d’offres qui avaient déposées plus du tiers des plis sur un total de 73 plis considérés comme recevables. Cela s’est vérifié à l’annonce des résultats avec 5 los sur 14 obtenus par des entreprises et/ou des groupements avec une participation nationale. 3 lots ont été gagnés par des membres du Cluster à savoir Eurl Hamdi avec 2 lots totalisant 160 MWc et le groupement Ozgun-Zergoun Green Energy avec un lot de 80 MWc. Les 2 autres lots ont été gagnés par le groupement Cosider-Fimer totlalisant 270 MWc. A cette occasion, nous présentons à toutes ces entreprises nos plus sincères félicitations pour cette première réussite.
L’autre satisfaction vient du fait que le mécanisme du Contenu Local imposé dans le cahier des charges à l’exemple des structures, les câbles les transformateurs MT, etc. devient effectif et vont assurer des commandes et de l’activité pour les entreprises locales. De même que l’exigence de recourir aux ressources humaines algériennes pour les travaux d’installation sont à relever. Il est à noter que même si le panneau solaire photovoltaïque assemblé localement est éligible, les constructeurs de centrales photovoltaïques restent encore timides et n’ont pas utilisé la totalité des capacités locales de 350 MW. Un seul projet de 80 MWc compte utiliser un module PV assemblé en Algérie. Nous espérons que dans les prochains rounds, les capacités locales seront totalement utilisées et pourquoi pas la mise en place de nouvelles capacités pour le marché local et le marché régional notamment européen.
Enfin ce premier appel d’offres nous a donné de précieux indicateurs concernant le coût du projet de 1920 MWc (14 lots) qui va être de l’ordre de 171,7 Milliards DA (équivalent à 1,145 Milliard US$) et un coût du kilowattheure de 7,3822 DA Hors Taxes soit l’équivalent de 4,92 cUS$ ou 5,48 c€.
Quel signal donnent ces résultats à la communauté d’affaires nationale et internationale?
C’est un signal important qui vient d’être donné qui dit que « Algeria is back’’ dans les énergies renouvelables. Il est d’autant plus important que la première tranche a été de 2000 MWc qui sera suivi par une tranche de 1000 MWc (solar 1000MWc) en décembre 2023 et probablement un autre lot de 3000 MWc en début d’année prochaine. La démarche est pragmatique dans le sens où un round est mené jusqu’au bout avant d’entamer le second et ainsi de suite. Il faut veiller à la concrétisation des rounds pour que le pays gagne en crédibilité et que la confiance revienne petit à petit attirant des investisseurs dans le pays a besoin pour mener à bien sa transition énergétique.
Quelle est votre appréciation sur le forcing chinois dans cette course aux marchés ?
Ce n’est pas une surprise dans la mesure où le plus grand marché au monde du solaire PV est la Chine et que 80% des modules PV utilisés à l’échelle mondiale sont produits en Chine. N’oublions pas que la majeure partie des projets solaires photovoltaïques en Algérie avaient été réalisé par des groupements chinois qui sont présents en Algérie depuis 2013. Cela donne à certains groupements des avantages non négligeables au moment de construire leurs offres.
Les sociétés algériennes ont remporté 5 lots sur 14 proposés dans cet appel d’appel d’offres. Que représente pour vous ce résultat?
C’est un signal fort qui dit que nous avons des entreprises en mesure de relever de tels challenges. Maintenant il s’agit d’élargir cette participation lors des prochains rounds que compte mettre en place l’entreprise Sonelgaz. Nous avons besoin que d’autres entreprises qui activent dans la construction, le secteur Oil & Gas pensent sérieusement s’engager dans ce type de projets.
Comment expliquez vous le peu d’entreprises européennes à soumissionner à cet appel d’offres?
Il peut y avoir plusieurs raisons dont la première serait lié au marché européen qui connait un boom extraordinaire et qui fait que les entreprises européennes ont fort à faire chez elles. On peut aussi l’expliquer par la taille des lots puisque le plus petit est de 80 MWc alors que la majorité du marché européen est de type décentralisé. Une autre raison pourrait être liée au cahier des charges dans son volet caution bancaire dont le maitre d’ouvrage voudrait qu’elle soit sans date limite alors que les banques n’acceptent pas cette procédure car trop risquée. Le maitre d’ouvrage devrait prendre en compte les doléances des soumissionnaires et discuter de la meilleure manière de les faire participer avec l’objectif d’assurer l’élargissement du nombre de participants et l’obtention des coûts d’électricité solaires très compétitifs.
Pensez- vous que le taux d’intégration locale de 35% exigé par le cahier de charges sera respecté dans cet appel d’offres?
Les entreprises se sont engagés à atteindre voire à dépasser ce seuil, autrement elles seront pénalisées. La question est de savoir si le secteur économique local est en mesure de répondre non seulement à la sollicitation des constructeurs pour 2000 MWc mais pour 3000 MWc voire 6000 MWc. C’est pour cela que nous appelons les entreprises algériennes mais aussi les entreprises internationales à envisager sérieusement d’investir dans les différentes parties de la chaine de valeur du solaire photovoltaïque. Il y a des opportunités à saisir.
Comment sera financée la réalisation de ces programmes portant sur la réalisation d’une capacité de 6000 MW en énergie solaire à l’horizon 2025-2026?
C’est une question cruciale pour la bonne exécution du programme des énergies renouvelables dans notre pays. Nous avons soulevé cette question avec les premiers responsables du secteur de l’énergie et de Sonelgaz. On nous avait assuré que le financement des premiers rounds sera assuré par l’Etat pour lancer durablement le programme. C’est une bonne chose que l’Etat s’implique mais nous pensons que l’Etat devrait aussi envisager le recours à des financements innovants comme une alternative pour sécuriser la mise en œuvre du programme surtout que de nouveaux challenges nous attendent pour sortir de la dépendance aux fossiles et aller graduellement vers l’hydrogène vert. Nous aurons besoin de plusieurs Gigawatt d’énergies renouvelables à planifier, à construire et à réaliser qui devront être dotées d’un important plan de financement sur plusieurs décennies.
K.R.