ActualitésInternationalNationale
A la Une

Rapport du FMI sur l’Algérie : Décryptage de M. M’hamed Bokhari, expert financier, diplômé de l’IFID (partie I)

Des rappels très importants sur le fonctionnement d’une banque centrale et les outils dont dispose la Banque d’Algérie pour juguler l’accélération de l’inflation nous sont apportés par M. M’hamed Bokhari, spécialiste en finances. De prime abord, notre interlocuteur nous explique l’objectif principal de toute banque centrale : la stabilité des prix. Il évoque les quatre canaux de transmission de la politique monétaire : le taux d’intérêt, les anticipations, les prix d’actifs et le taux de change. Le spécialiste en finances estime que si le FMI recommande un relèvement du taux directeur, cela pourrait être considéré comme une mesure pour renforcer la stabilité économique et financière du pays. Aussi, ses avertissements concernant les mesures strictes de réglementation des importations pourraient amener le gouvernement à revoir sa politique en la matière. Le dernier mot revient toutefois au gouvernement algérien de mettre en œuvre les recommandations du FMI, affirme M. Bokhari, en prenant en compte des facteurs pertinents tels les objectifs de développement économique, la situation financière du pays et les conséquences sociales potentielles.

Entretien réalisé par : Hakima Laouli

Algerieinvest : Le conseil d’administration du FMI a achevé, le 1er février 2023, les consultations au titre de l’article IV avec l’Algérie, selon la procédure du défaut d’opposition. Quelle est votre première lecture du rapport publié ?

M. Mhamed Bokhari : Le dernier rapport du FMI  sur l’Algérie peut se résumer en trois points.

  1. Les perspectives à court terme de l’économie algérienne se sont sensiblement améliorées, essentiellement en raison de la hausse des prix des hydrocarbures.
  2. L’accélération de l’inflation et la vulnérabilité à la volatilité des prix des hydrocarbures constituent des défis majeurs qui devraient être relevés pour préserver la stabilité macroéconomique.
  3. Un rééquilibrage budgétaire est nécessaire pour préserver la soutenabilité des finances publiques à moyen terme. Un resserrement de la politique monétaire est nécessaire pour juguler l’inflation. La poursuite des réformes structurelles faciliterait la transition vers un modèle de croissance plus stable et diversifié et encouragerait la création d’emplois.

Avant d’essayer d’analyser ce «constats-recommandations», il y a lieu de comprendre, au préalable, la politique monétaire d’une banque centrale. Le principal objectif de la politique monétaire d’une banque centrale est la stabilité des prix. Pour ce faire, la banque centrale dispose de plusieurs outils, parmi lesquels le taux directeur (taux d’intérêt auquel la banque centrale prête aux banques commerciales) est privilégié. Ainsi, pour contenir l’inflation, par exemple, la banque centrale augmente son taux directeur. C’est ce que souligne le 2ème point du FMI. Inversement, si elle souhaite que les prix augmentent, elle baissera son taux directeur. Cela nous amène à parler de la politique monétaire accommodante. 

Qui signifie quoi exactement ?

En fait, c’est un ensemble de mesures prises par la banque centrale, consistant à augmenter la masse monétaire et à maintenir des taux d’intérêt faibles afin de soutenir l’économie. Cela en relançant le crédit et en offrant un financement à moindre coût aux entreprises et aux ménages, la banque centrale espérant relancer la consommation. L’action inverse est définie comme étant une politique monétaire restrictive, c’est ce que recommande le FMI. Il ne faut pas oublier qu’il existe quatre canaux de transmission de la politique monétaire.

En premier, le taux d’intérêt. Il permet d’influer sur les taux d’intérêt de l’économie, notamment ceux des crédits bancaires. Si le taux directeur augmente, le taux d’intérêt augmentera aussi, ce qui entraînera le renchérissement des crédits bancaires accordés aux clients par les banques commerciales. Par conséquent, les agents économiques empruntent moins, donc investissent moins et consomment moins (pour les ménages en particulier). D’où une baisse de l’activité économique et donc une baisse de l’inflation.

En second lieu, le canal des anticipations. Il permet, grâce à une action claire et crédible de la banque centrale, d’aider les entreprises et les ménages à anticiper correctement les évaluations futures des taux d’intérêt et à adapter, en conséquence, leurs décisions économiques.

En troisième lieu, le canal des prix d’actifs. Il s’agit d’une variation des taux d’intérêt de certains actifs. Une diminution du taux directeur rend les produits financiers dont l’évolution est liée au taux d’intérêt, comme les obligations, moins attractifs. Les investisseurs vont se rabattre sur d’autres actifs, comme les actions, dont le cours va alors augmenter. Les détenteurs de ce type de titre  financier (les actions) vont voir leur richesse s’accroître, ce qui les poussera à augmenter leur consommation.

Enfin, en quatrième lieu, le taux de change. Si le taux directeur baisse, le taux de change baissera aussi. Ce qui implique que les dépôts (produits financiers du court terme) dans cette monnaie deviennent moins attractifs pour les investisseurs étrangers. Ceci entraînera une baisse du taux de change. Par conséquent, les prix des produits importés augmentent, entraînant une augmentation de l’inflation.

On doit aussi tenir compte de la politique monétaire de la banque centrale en fonction de la croissance et de l’inflation. En effet, si le taux d’inflation actuel (anticipé) est supérieur à la cible d’inflation de la banque centrale (inflation maximum tolérée par la banque centrale), la banque centrale aura tendance à augmenter son taux directeur pour tenter de contrôler l’inflation, toute chose étant égale par ailleurs.

Idem pour le différentiel de croissance. Si la croissance actuelle (variation du PIB réel) est supérieure à la croissance potentielle (variation maximum du PIB grâce à la pleine utilisation des facteurs de production disponibles), la banque centrale devra augmenter son taux directeur pour calmer les pressions inflationnistes et éviter une surchauffe de l’économie.

Ne considérez-vous pas qu’un relèvement du taux directeur, en ce moment précis, va à l’encontre des objectifs de la politique gouvernementale, visant la relance économique, le développement et la diversification des investissements, ainsi que la consommation ?

La hausse du taux directeur par la Banque d’Algérie dépend de nombreux facteurs, tels que la situation économique du pays, la stabilité des prix, les objectifs de la politique monétaire et la situation sur les marchés financiers mondiaux. Si le FMI recommande un relèvement du taux directeur, cela pourrait être considéré comme une mesure pour renforcer la stabilité économique et financière du pays. Cependant, ce relèvement peut également entrer en conflit avec les objectifs de politique économique du gouvernement, tels que la relance économique et le développement des investissements. En fin de compte, la décision appartient à la Banque d’Algérie et sera prise en considération de tous les facteurs pertinents.

(suivra)

Afficher plus

Articles similaires

Un commentaire

  1. I know Mr Boukhari as a financial expert who always tries to deepen his knowledge in the field of banking affairs .He managed to put light on some points and suggested implicitly what should be done .Would say thanks and congartulation to Mr mhamed

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Bouton retour en haut de la page

Adblock détecté

S'il vous plaît envisager de nous soutenir en désactivant votre bloqueur de publicité