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Entretien avec M. Kebour Ghenna Desta, président la Chambre panafricaine de commerce et d’industrie (PACCI)

«Notre objectif est de voir comment nous pouvons amener les entreprises africaines à s'interconnecter pour un réel décollage économique du continent»

M. Kebour Ghenna Desta est le directeur exécutif de la Chambre panafricaine de commerce et d’industrie (PACCI) dont le siège est à Addis-Abeba. Il est à ce titre à la tête d’une organisation de premier plan représentant les intérêts des entreprises et des associations professionnelles en Afrique. Avant de rejoindre la PACCI, Kebour était fondateur et PDG d’une société de technologie Ethiopienne (INFOTEC) et d’une société de conseil en gestion (IPD). Il a été membre du Conseil d’administration de la Commercial Bank of Ethiopia, de l’Abyssinia Bank et de la National Fertilizer Company. Il a également été membre du personnel et consultant de la CEA (Addis-Abeba), du PNUD (New York), du WBI (Washington DC), du CRDI (Ottawa), et de diverses autres organisations nationales et internationales. M. Kebour est connu aussi par ses écrits sur les questions de développement et de gouvernance. Il a enseigné à l’Université d’Addis-Abeba tout en s’impliquant dans la création de l’École des Sciences de l’Information d’Addis-Abeba. Diplômé de l’Université de l »État de New York à Stony Brook, il contribue régulièrement au Capital, un hebdomadaire qu’il a créé en Éthiopie en 1996. Dans un entretien exclusif accordé à Algérie Invest, le président de la PACCI nous explique le rôle que peut jouer la Chambre panafricaine dans le développement de l’économie, de l’investissement et de la circulation des richesses dans le contient.

 

Propos recueillis par: Mahmoud Nedjai

Algérie Invest : Voulez-vous nous dire qu’elles sont les missions de la Chambre panafricaine de commerce et d’industrie (PACCI) ?

Kebour Ghenna : Il s’agit d’une organisation à dimension continentale créée en 2009 mais qui a commencé ses activités en 2013. Sa mission fondamentale est d’être la voix des entreprises du continent africain au niveau de diverses institutions gouvernementales, comme par exemple l’Union africaine, la Commission économique pour l’Afrique et d’autres organisations internationales. Nous couvrons 54 pays et nous travaillons essentiellement avec les Chambres nationales de commerce et d’industrie locales. Dans certains cas, nous travaillons avec d’autres organisations qui ne sont pas vraiment des chambres mais qui sont actives dans le pays même. La voix des entreprises en est donc le premier point. Deuxièmement, nous nous concentrons sur trois autres domaines :

1- La zone de libre-échange continentale africaine : Comme vous le savez, il s’agit d’un accord qui a été signé en 2018. Et au fond, notre tâche est de le vulgariser et aussi d’inciter les entreprises africaines à travers les chambres de commerce à profiter de cet accord.

2-Aider les chambres de commerce et aussi leurs membres à améliorer leurs capacités de production. Autrement dit, vous pouvez être lié par un accord, mais si vous n’avez rien à vendre, cet accord ne vous servira pas beaucoup. Et donc notre objectif est de voir comment nous pouvons amener les entreprises africaines à s’interconnecter, à travailler ensemble au sein de chaînes de valeur, par exemple à se rendre visite, à présenter et promouvoir leurs produits et services.

3- Nous nous concentrons également sur l’entreprenariat féminin, car nous estimons que c’est l’un des domaines où les femmes n’ont pas vraiment été bien servies bien qu’elles soient à bien des égards impliquées à un niveau inférieur. Nous voulons vraiment encourager et faire croître les entreprises féminines sur le continent. Ce sont nos principaux domaines d’intérêt.

En quoi votre organisation diffère-t-elle des autres organisations africaines et des autres associations économiques du continent ?

Si vous regardez autour de vous, vous pouvez trouver de nombreuses organisations qui sont dans une certaine mesure actives. Une de nos forces est que nous travaillons avec les chambres de commerce nationales. Par exemple pour introduire un produit, il faudrait mettre des affiches dans les 54 pays. Il n’y a aucune organisation qui peut faire ça à part la PACCI. C’est donc notre force et nous pouvons en gros atteindre les 54 pays à n’importe quel niveau.

Vous disposez ainsi d’une couverture continentale afin de faire profiter l’ensemble des pays membres…

Tout à fait. Il s’agit d’une organisation dédiée aux opérateurs du continent qui doivent être membres à part entière de la PACCI et viennent soit des chambres d’industrie locales, soit issues d’autres organisations.  Nous avons par exemple ECOBANK en tant que membre, ou encore ETHOPIAN AIRLINES et nombres d’autres entités économiques du continent. Pour être membre de la PACCI, il faut être impliqué dans plus d’un pays.

Quel rôle jouez-vous dans la consolidation du marché africain ?

Ce que je dois souligner, c’est que nous ne voulons pas être une fédération de chambres de commerce. Notre organisation n’est pas là pour aider les chambres de commerce à résoudre leurs problèmes, mais pour aider les entreprises à être réellement une plateforme pour l’économie africaine. Notre but est que les associations professionnelles puissent se rassembler et échanger leurs points de vue ; se connecter et construire un réseau de partenariats. C’est ce que nous apportons à la table.

Nous travaillons avec les associations professionnelles parce qu’il est plus efficace d’atteindre les entreprises lorsque nous passons par des associations locales. Pour ce qui est de l’Accord de libre-échange dans le continent africain, notre mission est de vulgariser ce mécanisme. C’est ce que nous faisons aujourd’hui en Ethiopie et d’autres pays africains. Nous proposons notre savoir et notre expertise aux présidents de chambres pour qu’ils puissent bénéficier de cet accord, ou comment ils devraient s’organiser pour fournir à bon escient toutes les informations à leurs membres locaux. Les entreprises qui voudraient investir dans les autres pays africains. C’est en gros le travail que nous faisons. Nous le faisons par le biais de réunions virtuelles et nous participons à divers forums afin de présenter la Chambre de commerce panafricaine comme instrument par excellence pour pénétrer l’environnement des affaires sur le continent.

Cet Accord de libre-échange, s’il est bien accueilli au niveau continental, ne sera appliqué à grande échelle que si de nombreux verrous sautent. Il y a énormément de problèmes d’ordre logistique, législatif, bancaire, monétaire etc…Il y a encore de grosses difficultés pour transférer les fonds par exemple. Comment voyez-vous le rôle que pourrait jouer l’Algérie dans le cadre de l’Accord de libre-échange africain ?

Il est intéressant de noter qu’il y a deux semaines, un opérateur algérien m’a appelé pour me demander si je pouvais le mettre en relation avec des opérateurs économiques éthiopiens. Il a énuméré les domaines dans lesquels il pouvait intervenir. Oui je suis d’accord avec vous quand vous dites que les conditions ne sont pas parfaites, mais l’accord n’est qu’un instrument qui tente de rapprocher les pays africains, mais le commerce est quelque chose que nous devons apprendre à faire en Afrique.

Nous l’avons fait avec l’Europe, nous l’avons fait avec l’Asie et l’Amérique. Et la manière de faire du commerce en Afrique est peut-être un peu différente à bien des égards, mais il est toujours possible de faire des affaires sur le continent. Il y a des problèmes qui peuvent être résolus je l’espère dans un temps très court.

Nous n’avons pas vraiment besoin d’attendre que tout soit réglé alors nous pouvons faire des affaires aujourd’hui. On peut savoir quels sont les produits algériens dont on a besoin au Kenya ? Quels sont les produits dont les Algériens ont besoin ? Nous pouvons voir comment nous pouvons faire partie d’une chaîne de valeurs communes.

C’est un travail de longue haleine ?

Je dirais un travail permanent. Non-stop. Il est clair qu’en Algérie, il y a beaucoup d’entreprises qui pourraient avoir besoin de certains produits en Afrique. Et les possibilités sont vraiment énormes. J’encourage les chefs d’entreprises à ne pas hésiter à considérer le marché africain comme porteur de potentialités et à s’y lancer dès maintenant. Je pense que le retour sur investissement est assez élevé. Et c’est aussi un marché qui convient aux très petites et moyennes entreprises, à l’exemple de ces entreprises qui fabriquent des chaussures et désireuses d’écouler 500 chaussures par mois dans un pays donné du continent.

Pensez-vous que les entreprises algériennes sont réellement éligibles au marché africain en dépit des différences d’ordre culturel qui caractérisent la région nord de la région sud du continent ?

Les différences culturelles sont beaucoup plus prononcées avec la Chine et l’Europe, et pourtant les africains ont ouvert leurs marchés à ces deux continents. Les affaires marchent sans aucune contrainte. Alors, lorsqu’il s’agit entre africains, entre ceux du nord et ceux du sud, les rapports commerciaux ne seront que bons. Je dirais en outre que l’Algérie est très bien considérée par l’ensemble des Africains.

N’oubliez pas que l’équipe algérienne de football, par exemple est l’une des plus fortes du continent. Tout le monde l’encourage chaque fois que les Africains ont l’occasion de le faire. Il ne faut pas omettre aussi que la société CEVITAL a une dimension mondiale et continentale. Sans compter les milliers de PMI/PME algériennes qui font des miracles chez vous et qui peuvent, bien entendu, offrir leur savoir-faire au continent.

M.N.

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