Abdelkrim Rezal : «Réduire la facture liée à l’acheminent de nos échanges commerciaux qui se chiffre en milliards de dollars»
Renforcer la souveraineté logistique nationale

Dans cet entretien, l’expert insiste sur la nécessité d’améliorer la performance de la chaine logistique en Algérie et du renforcement de notre souveraineté logistique.
Bénéficiant de plus de 40 ans d’expérience dans le domaine maritime, M. REZAL Abdelkrim est titulaire d’un diplôme d’Officier Mécanicien de 1ère Classe et d’un Magister en génie maritime, obtenus respectivement à l’Institut Supérieur Maritime (ISM) de Bou Ismaïl en 1983 et à l’Université Maritime Mondiale (UMM) de Malmö-Suède en 1985. Il a exercé successivement les fonctions suivantes :
-Officier mécanicien à bord des navires de la Compagnie Nationale de Navigation (CNAN)
-Maitre-assistant, Chargé de Cours, Sous-directeur Pédagogique à l’Institut Supérieur Maritime de Bou Ismail (ISM)
-Sous-directeur de la Navigation Maritime, Directeur de la Marine Marchande, Directeur d’Etudes, Directeur de la Marine Marchande et des Ports et Conseiller au sein du Ministère des transports
-Conseiller au sein du Groupe LOGITRANS.
Les qualifications et les divers postes occupés ont permis à l’intéressé de se doter d’une expérience appréciable dans les domaines, de la formation des gens de mer, de l’administration et des affaires maritimes, du transport maritime, de la gestion portuaire et de la logistique.
Entretien réalisé par: Khaled Remouche
Algérieinvest: Que retenez- vous des conclusions du forum maritime d’Alger ?
M. Abdelkrim Rezal: L’évènement d’aujourd’hui s’inscrit en droite ligne avec les préoccupations actuelles des pouvoirs publics qui consistent à améliorer la performance de la chaine logistique globale, pour accompagner la diversification de l’économie, notamment les exportations hors hydrocarbures. Pour rendre nos produits compétitif à l’international, il faut réduire les couts et les délais, améliorer ainsi la performance logistique. Pour ce faire, il faut renforcer le segment le plus important c’est le transport maritime. Cela à travers les compagnies publiques en renforçant leurs capacités de traitement , à travers le renforcement du pavillon national et surtout en encourageant l’investissement privé pour renforcer la capacité nationales et réduire la facture qui a été présentée qui s’élève à 24 milliards de dollars par an pour l’acheminement de nos échanges commerciaux extérieurs, que ce soit à l’import ou à l’export. C’est l’élément fondamental parce qu’Il faut savoir de nos échanges commerciaux internationaux s’effectuent à 95% par la mer. Il faut réduire les couts du transport maritime, avec tout ce qui va avec, les coûts portuaires logistiques, en améliorant la performance de nos ports, en améliorant la connectivité portuaire que ce soit l’hinterland ou la connectivité portuaire à l’international. Cela veut dire renforcer les lignes régulières, les lignes de transport maritime vers les ports algériens, améliorer l’indice de performance de la connectivité maritime et des ports algériens;
C’est toute une stratégie globale d’amélioration de la logistique et du transport qui est le moteur de l’économie, le moteur des échanges et de renforcement de notre souveraineté logistique. Il s’agit ne pas dépendre à plus de 90 % des armateurs étrangers qui à tout moment peuvent mettre en danger la la sécurité de nos échanges.
Quel est la part de marché du pavillon national ?
En matière de marchandises, cette part de marché avoisine les 3 à 4%. La CNAN à son apogée couvrait une part de marché de 35% avec les moyens propres et l’affrètement. Nous couvrons avec les navires de la CNAN aujourd’hui à peine à 3 à 4% en excluant les hydrocarbures où nous avons une grande part de marché. La compagnie Hyproc, la filiale de Sonatrach à 100% qui transporte le pétrole brut, le GNL, le GPL a une part de marché appréciable. Le programme de développement de la flotte nationale qui a été initié en 2012 visait à couvrir 25% du marché en achetant une flotte de 25 navires. Ce programme, les compagnies nationales sont en train de le concrétiser progressivement.
Quels sont les goulots d’étranglement dans la chaine logistique ?
Le principal goulot d’étranglement est constitué par nos ports. Ces infrastructures sont héritées de la période coloniale. Elles connaissent des limitations structurelles en matière physique, en matière de tirant d’eau, d’espaces. Elles sont surtout enclavées dans le tissu urbain. Donc l’enlèvement des marchandises, l’accès des marchandises au port n’est pas facile. Au lieu de recourir au transport en masse comme le chemin de fer, on utilise le transport routier, les camions.
D’ailleurs, lorsque vous allez au port d’Alger, on voit les chaines de camions qui attendent l’accès au port. Tout cela augmente les délais d’enlèvement, les délais de transit des marchandises. Mais les choses sont en train de s’améliorer. Les formalités sont en train d’être numérisées avec le système de guichet unique portuaire, de guichet unique douanier, pour dématérialiser toutes les procédures .Nous sommes sur la bonne voie. Et il y a tous les projets d’optimisation et de modernisation des ports, la réalisation des terminaux à conteneurs d’Alger, d’Oran, à Djen Djen qui vont booster la performance de nos ports à un niveau international.
Comment va s’effectuer l’ouverture du marché du transport maritime en Algérie ?
Il faut faciliter, encourager l’investissement mais surtout appuyer l’investissement dans le secteur maritime. L’obstacle dans le transport maritime est son caractère capitalistique. Il faut beaucoup d’argent pour acheter un navire. Il faut qu’il y ait un organisme financier qui peut accompagner ces investisseurs.
Etes- vous favorable à cette ouverture du marché ?
Je suis bien sûr favorable à cette ouverture. Elle est d’ailleurs consacrée par les textes. Maintenant comment la concrétiser. C’est cela la difficulté. Il convient de laisser uniquement les professionnels intégrer cette activité. Il s’agit surtout de faciliter l’investissement. Tout le problème est le financement de l’investissement . Il faut sensibiliser les banques. Il faut qu’ils comprennent ce qu’est le transport maritime. Il faut atténuer leurs appréhensions à financer ce type d’investissement. Parce que c’est un domaine méconnu, c’est un domaine qui nécessite des connaissances. Il faut rassurer les banques, présenter des garanties de part et d’autre.
K.R.