Maîtriser le marché parallèle des devises en Algérie : Causes, solutions et stratégies pour un Dinar Fort

Si l’économie algérienne demeure toujours aussi dépendante des hydrocarbures, elle se caractérise davantage par une inflation croissante et un marché parallèle des devises de plus en plus prépondérant, d’où l’intérêt de s’intéresser à la question du taux de change et de la stabilité monétaire. La disparité entre le taux de change officiel fixé par la Banque d’Algérie et celui du marché parallèle a atteint, ces derniers temps, des niveaux alarmants, créant des tensions au sein de l’économie et suscitant des inquiétudes parmi les citoyens et les investisseurs.

Contribution : Mohammed Krim

Ce sujet fait actuellement l’objet de débats animés sur les plateaux de télévision, les radios et dans la presse écrite, reflétant une préoccupation croissante de la société face à cette problématique. Les Algériens s’interrogent sur les implications de cette situation sur leur pouvoir d’achat et la compétitivité des entreprises locales.

En ce moment critique où le pays cherche à diversifier son économie et à attirer des investissements étrangers, il s’avère impératif de restaurer la confiance dans le dinar et de réduire l’attrait du marché parallèle. Cet article vise à analyser les causes de l’existence du marché parallèle des devises, à proposer des solutions concrètes pour y remédier, et à proposer des stratégies à même de garantir la réussite de ces mesures. En mettant en lumière ces enjeux, nous espérons humblement contribuer à une meilleure compréhension des défis économiques actuels de l’Algérie et à la nécessité d’une action immédiate.

Ainsi, et pour cerner avec clarté la problématique du marché parallèle des devises, il est important de s’atteler d’abord sur les facteurs de cause qui ont été derrière l’apparition de ce phénomène.

1. Les causes de l’existence du marché parallèle des devises

L’existence du marché parallèle des devises en Algérie est le résultat d’un ensemble de facteurs économiques et structurels qui, ensemble, alimentent ce phénomène et contribuent à sa propagation. Il s’agit notamment de :

• La restriction sur l’accès aux devises étrangères : Les mesures de contrôle strictes imposées par la Banque d’Algérie sur l’accès aux devises, notamment à travers le plafonnement des montants pouvant être échangés, engendrent un sentiment d’insécurité chez les acteurs économiques. Les particuliers et les entreprises, ne parvenant pas à obtenir les devises nécessaires par les voies officielles, se tournent vers le marché noir ;
• La divergence des taux de change : La fixation d’un taux de change officiel par la Banque d’Algérie, qui ne reflète pas la réalité du marché, crée un écart important entre le taux fixé et le taux réel. Ce décalage incite les gens à vendre et à acheter des devises à des taux plus élevés sur le marché parallèle, aggravant ainsi la situation ;
• L’économie informelle : L’ampleur de l’économie informelle en Algérie, estimée à une proportion significative du PIB, contribue à l’essor du marché parallèle. Les transactions non déclarées, souvent effectuées en dehors du cadre légal, augmentent la demande pour des devises sur le marché parallèle ;
• Les faibles réserves de devises : Les réserves de devises, qui dépendent en grande partie des revenus pétroliers, sont soumises à des fluctuations importantes. Un manque de réserves suffisantes rend difficile la régulation du dinar sur le marché officiel, incitant encore une fois les acteurs économiques à se tourner vers le marché parallèle ;
• L’instabilité économique : Les incertitudes économiques, notamment liées à la dépendance aux hydrocarbures, à la volatilité des prix du pétrole et aux crises politiques, nourrissent le sentiment de méfiance envers la monnaie nationale. Cette méfiance pousse les citoyens à privilégier des devises plus stables comme le dollar US ou l’Euro.

Les causes étant identifiées, il est désormais essentiel de se pencher sur les solutions possibles. Diverses pistes peuvent être envisagées pour réduire, voire éradiquer, le marché parallèle et réduire l’écart entre les taux de change.

2. Solutions pour réduire ou éradiquer le marché parallèle des devises :

Pour surmonter cette situation problématique qui se pose aujourd’hui avec acuité, plusieurs solutions stratégiques peuvent être envisagées. L’on peut citer :

• Libéralisation du marché des changes : Il est essentiel d’introduire une plus grande flexibilité dans la fixation des taux de change. En permettant aux taux de s’ajuster en fonction de l’offre et de la demande, la Banque d’Algérie pourrait réduire l’attractivité du marché parallèle, facilitant ainsi un rapprochement entre les deux taux ;
• Assouplissement des restrictions sur les devises : En augmentant les quotas pour les opérations de change légales, le Gouvernement pourrait offrir une alternative légale et attrayante aux transactions effectuées sur le marché parallèle. Une telle mesure diminuerait la pression sur ce dernier tout en rendant les opérations de change plus accessibles ;
• Augmentation des réserves de devises : Pour soutenir la valeur du dinar, le renforcement des réserves de change est crucial. Cela passe nécessairement par une politique d’exportation plus diversifiées et agressive et par la réduction de la facture des importations non essentielles. En effet, une balance des paiements équilibrée et performante renforcerait la position de la Banque d’Algérie ;
• Encouragement des investissements étrangers : Attirer des investissements directs étrangers (IDE) est un levier stratégique qui permettrait d’injecter des devises dans l’économie. En créant un environnement propice à l’investissement, l’Algérie pourrait augmenter son offre de devises et ainsi réduire l’écart entre les deux taux de change ;
• Réformes fiscales et économiques : le degré de la volatilité du dinar est fortement lié à la performance de l’économie nationale, actuellement trop dépendante des hydrocarbures. L’effort de la diversification économique doit donc comprendre des réformes transversales dans les secteurs industriels et agricoles afin de stimuler la production locale et de réduire la dépendance aux importations ;
• Lutte contre l’économie informelle : Le Gouvernement peut réduire l’ampleur du marché parallèle à travers la mise en place d’incitations fiscales et des programmes de sensibilisation à même d’encourager les acteurs économiques à se conformer à la réglementation et à s’intégrer dans les circuits économiques formels.

Si la mise en place de ces solutions est nécessaire pour contrer le marché parallèle, il est également crucial de définir clairement les objectifs que ces réformes visent à atteindre. En l’absence d’une vision claire des résultats attendus, il est difficile de mesurer l’efficacité des actions entreprises. Voyons donc quels sont les objectifs concrets à poursuivre pour garantir la réussite de ces réformes.

3. Les objectifs à atteindre :

Si l’objectif principal de ces réformes vise à réduire, voire éradiquer, le marché parallèle des devises, leur mise en œuvre rigoureuse permettra d’atteindre d’autres résultats potentiels, notamment :

• Le renforcement de la confiance dans le dinar : Un taux de change unique et flexible, qui reflète la réalité du marché, permettra de restaurer la confiance dans la monnaie nationale, réduisant ainsi la dollarisation de l’économie ;
• La stabilisation des prix et la lutte contre l’inflation : Un accès facilité aux devises à travers des circuits légaux stabilisera les prix des biens importés, protégeant ainsi le pouvoir d’achat des citoyens ;
• L’encouragement des investissements : La création d’un environnement économique stable et prévisible attirera des investissements étrangers et locaux, favorisant ainsi la diversification de l’économie.

La réalisation de ces objectifs exige bien plus que de simples intentions. Pour que les réformes aboutissent et que les résultats escomptés soient réellement atteints, plusieurs « facteurs clés de succès » doivent être réunis. Ces derniers détermineront l’efficacité de la mise en œuvre des solutions et garantiront que les objectifs fixés ne demeureront pas de simples vœux pieux ou de promesses non tenues.

4. Les facteurs clés de succès pour la mise en œuvre de ces mesures

La mise en œuvre de telles réformes repose impérativement sur des facteurs clés qui garantissent leur succès. Il s’agit ainsi de :

• La volonté politique : Une forte volonté politique est cruciale pour surmonter les résistances potentielles, conduire le changement, et soutenir les réformes. Les autorités doivent être prêtes à confronter les défis économiques, en faisant montre d’une grande capacité de persuasion et d’engager des dialogues inclusifs avec toutes les parties prenantes.
• La gestion rigoureuse des finances publiques : La maîtrise des déficits budgétaires et de la dette publique est essentielle pour renforcer la confiance dans la monnaie nationale. Des politiques budgétaires prudentes et rationnelles permettront de stabiliser l’économie et de garantir un environnement économique prévisible.
• La coordination entre les institutions financières : Une coopération efficace entre la Banque d’Algérie, le Ministère des Finances et les autres organismes en charge de la régulation est nécessaire pour garantir une mise en œuvre cohérente des réformes. Cela permettrait également d’assurer un meilleur suivi de l’opération de régulation du marché des changes.
• La communication et la transparence : La transparence des politiques monétaires et économiques est fondamentale pour instaurer la confiance des citoyens et des investisseurs. Des canaux de communication efficaces et persuasifs doivent être établis pour informer le public des réformes en cours et pour garantir son implication.

Une fois ces facteurs identifiés, il sera ensuite important d’établir une stratégie claire et adaptée à la situation et aux besoins spécifiques de l’Algérie. Cette stratégie permettra de structurer et de coordonner les actions nécessaires à la mise en œuvre des réformes.

5. Stratégie globale, gage de réussite des réformes :

Pour garantir le succès de ces réformes, une approche systémique et bien coordonnée est nécessaire. Cela peut comprendre de :

• Établir une feuille de route progressive : Les réformes doivent être mises en œuvre au fil de l’eau, par étapes, afin de permettre au marché de s’adapter progressivement et d’éviter des chocs économiques brutaux ;
• Renforcer les institutions financières : La Banque d’Algérie doit être équipée pour être en mesure de gérer les fluctuations monétaires et réguler le marché des changes de manière proactive. Cela nécessite des investissements ciblés dans la formation et l’infrastructure des institutions financières ;
• Stimuler les secteurs productifs : La réduction des importations, combinée à des politiques visant à accroître la production locale, permettra de réduire la demande de devises pour l’importation et d’équilibrer la balance des paiements ;
• Impliquer le secteur privé : Une collaboration étroite et inclusive avec les entreprises et les investisseurs locaux est essentielle pour garantir la réussite des réformes. Le secteur privé doit être encouragé à participer activement à la transformation économique ;
• Suivi et évaluation continue : Un mécanisme stratégique de suivi des réformes doit être mis sur pied pour évaluer leur efficacité et ajuster les mesures si nécessaire. Des indicateurs clés de performance doivent être définis pour mesurer les progrès réalisés.

Cette stratégie globale devra, enfin, être épaulée par une volonté politique inébranlable et une capacité d’exécution rigoureuse.

Pour conclure, il est clair que l’écart grandissant entre le taux de change officiel et celui du marché parallèle, associé à une inflation galopante et à un risque d’instabilité économique, appelle à une réponse immédiate et concertée. Cette situation ne peut être ignorée, car elle menace non seulement la stabilité économique, mais également le pouvoir d’achat et le bien-être de millions de citoyens.

Il s’avère impératif que les décideurs politiques, les institutions financières et le secteur privé se mobilisent avec détermination pour relever les défis multidimensionnels de l’heure. Chaque acteur a un rôle déterminant à jouer, en adoptant des politiques efficaces et en favorisant un environnement économique transparent et inclusif.

La mise en œuvre rapide de solutions viables, murement réfléchies, est essentielle pour restaurer la confiance dans le dinar et éradiquer le marché parallèle.

La situation est suffisamment urgente pour agir dans un cadre collaboratif et inclusif afin de bâtir un avenir économique solide pour l’Algérie. Les forces vives réunies de la société, si impliquées, consultées et associées, seront capables de transformer ces défis en opportunités et garantir une prospérité partagée pour tous.

Mohammed Krim

North Africa Energy & Hydrogen Exhibition and Conference