Farid Bourennani à propos de la 4ᵉ édition de l’IATF : « Nous ne connaissons pas l’Afrique, et réciproquement »
L’expert en corporate business insiste sur l’importance des relations humaines et du terrain pour construire un échange économique durable avec les pays africains.
Dans cet entretien accordé à Algérie Invest, Farid Bourennani, Expert en ingénierie financière et stratégies de croissance des entreprises, revient sur les enseignements clés de la 4ᵉ édition de l’IATF 2025 organisée à Alger. Selon lui, au-delà des chiffres, c’est la qualité des rencontres humaines et le choc des perceptions qui constitueront les véritables retombées de l’événement. Il estime que les échanges commerciaux solides naîtront d’abord de la connaissance mutuelle, et appelle à créer plus d’occasions concrètes de rapprochement économique entre les acteurs africains. Bourennani revient également sur les freins réglementaires à l’investissement extérieur des entreprises algériennes, et s’interroge sur la faisabilité du cap des 29 milliards USD d’exportations hors hydrocarbures d’ici 2030.
Entretien réalisé par :Khaled Remouche
Algérie Invest : Quelles sont les retombées de cet évènement sur notre économie ?
Farid Bourennani : C’est un évènement économique qui a des effets politiques positifs pour l’Algérie. Cela met en avant l’Algérie, l’Algérie économique. Peu de gens connaissent la réalité locale, la réalité du tissu industriel algérien, de son tissu commercial et de son offre de produits. C’est une occasion de mettre en avant tout cela. C’est bien mieux que des encarts publicitaires ou des roadshow. C’est ce type d’évènement qui est propice pour donner la mesure aux différents pays d’Afrique de ce que c’est que l’Algérie contemporaine.
Quelle est votre réaction par rapport à la somme d’accords commerciaux conclus par des entreprises algériennes lors de la quatrième édition de l’IATF ?
Pour illustrer qu’une manifestation a du succès, on a l’habitude d’avancer des chiffres. Pour moi, ce n’est pas nécessaire de communiquer dessus. Parce que la première couche de l’édifice, c’est que les acteurs se connaissent. Peu importe le nombre d’accords ou de Mémorandums d’entente. Ce n’est pas l’essentiel à mon avis. La mesure des retombées commerciales ne peut se faire qu’après au moins une année. Une partie des annonces d’accords qui sont de toutes natures se concrétisera, une autre partie ne se concrétisera pas.
Tous ces représentants de communautés de pays divers et variés du continent qui mangent à Alger, dorment à Alger, rencontrent des Algériens et se montrent positivement surpris. C’est le meilleur indicateur immédiat de réussite. Ces personnes, une fois dans leur pays, vont être des relais d’opinion dans le renforcement des échanges économiques avec l’Algérie. Les accords commerciaux en découleront au fil de l’eau à des horizons différents.
Je sais que le public aime les chiffres. Mais le plus important pour moi, c’est d’investir dans la relation suivie et multiplier les occasions de rencontres en Algérie.
Les entreprises algériennes, selon vous, ont-elles été efficaces quant à la saisie des opportunités qui se sont présentées lors de cet évènement ?
Il est indéniable que nous avons sensiblement rehaussé la qualité de ce que nous produisons. Notre tissu économique s’améliore. Puis, il y a de grands acteurs qui tirent tout le monde vers le haut. Nombre de transactions commerciales ont été conclues. D’autres vont se faire plus tard. Cela est le début du cycle : identification de prospects jusqu’à enrôlement de clients.
Pour la partie investissement, c’est plus nuancé. Il faut s’entendre sur le terme investissement. Est-ce qu’il s’agit d’acteurs algériens qui vont investir à l’étranger ? Pour l’heure, le cadre légal ne le permet pas. Ou bien s’agit-il d’acteurs privés de pays africains qui investissent en Algérie ? Je ne pense pas que ces derniers aient l’intention de devenir des IDE en Algérie. Le groupe Dangoté aurait la capacité à le devenir, notamment dans le cadre des activités du port centre, mais les approches ne se font pas dans le cadre d’une manifestation généraliste et collective.
Il y a un appel des entreprises africaines pour que les transactions commerciales avec les entreprises algériennes se transforment en investissements dans les pays africains.
La réglementation de la Banque d’Algérie ne le permet pas, mais je ne doute pas qu’elle saura évoluer pour enfin avoir des entreprises privées algériennes multinationales.
Il y a eu ces dernières années quelques dérogations pour des entreprises publiques. Un consortium de banques publiques a créé une banque en Mauritanie et une autre au Sénégal. La BEA a obtenu une dérogation pour établir une succursale en France. Sonatrach a été autorisée à racheter une raffinerie en Italie. Algérie Télécom s’est implantée en Espagne.
Que pensez-vous de l’ambition officielle de porter les exportations hors hydrocarbures à 29 milliards à l’horizon 2030 ?
C’est un objectif très ambitieux. Passer de 5 milliards de dollars, plafond atteint en 2022, à 29 milliards de dollars en 2030, il s’agit d’un souhait sur lequel il m’est difficile de porter une appréciation.
Pour ma part, je crois plus aux objectifs annuels, forcément plus modestes, donc moins médiatiques mais qui peuvent se monitorer car ils correspondent à des projets identifiés.
Le succès passe par le choix de filières où l’Algérie a des avantages comparatifs, produire assez pour satisfaire le marché national et dégager des excédents à l’exportation, être compétitifs sur le plan prix et avoir l’état d’esprit de l’export.
Je souhaite souligner que les services ont aussi un potentiel important à l’export. Les promouvoir permettra de générer des entrées de devises précieuses pour les réserves de change.
K.R.



