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Ali Harbi : « La RSE devient une exigence de compétitivité pour les entreprises algériennes et africaines »

Entretien avec Ali Harbi, PDG d’AHC Consulting et co-président du Conseil scientifique d’AGIS

AGIS, le Africa Global Impact Summit, s’impose comme le sommet africain de référence en matière de RSE authentique et de transition écologique crédible. Sa 3ᵉ édition s’est tenue à Alger les 21 et 22 octobre, portée par Green Eco Algérie, entreprise algérienne à mission. À la tête de cette initiative panafricaine : Mme Khalida Anad, fondatrice de AGIS et directrice générale de Green Eco Algérie. Événement rigoureux dans sa conception et ambitieux dans sa portée, AGIS se distingue par la richesse de ses contenus, la qualité de ses 33 intervenants issus de 13 pays africains, ainsi que par son engagement à respecter la norme internationale ISO 20121 des événements durables.
Dans cet entretien, Ali Harbi, PDG d’AHC Consulting, expert en développement durable et président du conseil scientifique d’AGIS, livre son analyse des conclusions de cette édition 2025, dresse un état des lieux de la RSE en Algérie et met en lumière les avancées à l’échelle du continent.
Entretien réalisé par:  Khaled Remouche

Algérie Invest : Quelles conclusions peut-on tirer de cette troisième édition d’AGIS centrée sur la RSE et le développement durable en Afrique ?

M. Ali Harbi :

La troisième édition d’AGIS a représenté un progrès important du point de vue du nombre d’intervenants et du nombre d’entreprises participantes. On peut dire qu’AGIS est un événement qui prend de l’ampleur, qui grandit et qui est en train de se consolider sur le plan de la crédibilité, de la qualité des intervenants et de la pertinence des sujets abordés. Il s’agit là de la première conclusion.

Seconde conclusion : nous avons de plus en plus d’entreprises qui prennent en considération la responsabilité sociétale et environnementale des entreprises (RSE) et lui accordent de l’importance. Le champ des personnes impliquées dans la RSE est véritablement en train de s’élargir.

Troisième conclusion : les sujets abordés sont au cœur du développement durable. Les thématiques discutées au cours de la rencontre ont porté sur la structuration de la chaîne de valeur RSE, l’agriculture durable, la transition énergétique et la résilience urbaine. La rencontre a également mis en évidence les méthodologies appliquées, les différents standards, les problèmes de gouvernance, ainsi que la question du financement, notamment celle des finances durables pour soutenir la transition. Tous ces éléments ont été clairement mis en évidence.

La rencontre s’est fortement axée sur la dimension africaine. A-t-elle répondu aux attentes ?

Oui. Dès sa création, AGIS s’est voulu panafricain. Il a fallu du temps pour enraciner cette orientation. Cette année, la dimension africaine s’est concrétisée : 13 pays étaient représentés, avec des intervenants de 5 pays africains et la présence d’ambassades de 8 autres pays. C’est une dynamique en pleine croissance. J’espère que l’édition prochaine verra encore plus de représentations africaines. AGIS est en train de s’imposer comme un rendez-vous continental.

L’Algérie dispose-t-elle aujourd’hui d’une stratégie nationale RSE ?

Non, malheureusement. Il existe plusieurs initiatives et axes liés au développement durable, mais pas de stratégie RSE intégrée. La dynamique reste fragmentée : on impose des obligations en matière d’environnement, de sécurité ou de transparence, mais sans cadre global. Il manque un « chapeau RSE », comme c’est le cas dans d’autres pays où la RSE est abordée de façon systémique.

Autre lacune importante : l’absence de politique de finance durable, alors que celle-ci est indispensable pour soutenir la RSE.

Quel est l’état des lieux de la RSE dans les entreprises algériennes ?

Une étude menée par Amel Boubekeur sur un échantillon de 38 entreprises algériennes révèle une situation balbutiante. Trois catégories émergent :

  1. Les pionniers : un petit nombre de grandes entreprises, privées ou filiales de multinationales, structurées en matière de RSE.

  2. Les partiels : des entreprises qui mènent des actions sporadiques, sans réelle stratégie globale.

  3. Les ignorantes : des entreprises qui ne connaissent pas le concept, même si elles pratiquent, parfois inconsciemment, des actions proches de la RSE.

Y a-t-il aujourd’hui une stratégie africaine de la RSE ?

Oui, elle existe. Une consultante de l’Union africaine, Mme Dhlamini, a présenté à AGIS un cadre africain de gouvernance d’entreprise qui intègre les exigences RSE des normes internationales.

Par ailleurs, un représentant du Kenya, président du comité technique africain de normalisation, a exposé les avancées vers des standards africains en matière de développement durable et de RSE. L’Afrique avance vers une harmonisation continentale.

Une alerte sur le changement climatique a été lancée pendant AGIS. Quelles sont vos recommandations pour l’Algérie et l’Afrique ?

Il faut distinguer deux axes d’action : l’adaptation et l’atténuation.

  • Adaptation : l’Algérie doit analyser les risques induits par le changement climatique et y adapter ses politiques publiques.

  • Atténuation : bien que l’Algérie ne soit pas un gros émetteur mondial, certains secteurs (ciment, verre, pétrole) le sont fortement. Ces entreprises doivent réduire leurs émissions pour rester compétitives à l’international.

Aujourd’hui, la compétitivité ne repose plus seulement sur le prix et la qualité, mais aussi sur la performance environnementale. Il est donc nécessaire de mettre en place des politiques incitatives et un cadre réglementaire clair.

Le budget de l’État ne prévoit pas suffisamment de financements pour la reforestation. Quelle est votre position ?

Le financement public est très insuffisant, mais ce n’est pas uniquement à l’État de répondre à cette urgence. Il s’agit d’un enjeu sociétal, auquel doivent participer les entreprises, notamment les plus émettrices.

Celles-ci peuvent compenser leurs émissions par des campagnes de plantation d’arbres, non pas de simples reboisements, mais des plantations sur terrains vierges. Beaucoup d’entreprises se montrent intéressées par cette approche.

AGIS prévoit-il des initiatives concrètes dans ce domaine ?

Oui. Une réunion en novembre regroupera AGIS et plusieurs entreprises participantes pour mettre en place un fonds commun destiné à financer des actions de plantation, notamment dans le cadre du barrage vert, en coordination avec les autorités, les collectivités locales et la société civile.

Un dernier mot ?

AGIS est un processus en construction. D’année en année, nous cherchons à nous améliorer. L’objectif n’est pas AGIS en soi, mais que les entreprises s’inspirent des débats et passent à l’action, pour le bien des collectivités, des salariés et de l’environnement.

K.R.

North Africa Energy & Hydrogen Exhibition and Conference
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