L’assurance maritime en quête de reconnaissance en Algérie
Un maillon encore faible d’un secteur stratégique
Lors du Forum maritime d’Alger, clôturé le 16 avril 2025, une séance a été entièrement consacrée à l’assurance maritime. Les intervenants ont dressé un constat sans appel : cette spécialité demeure sous-exploitée malgré son importance dans la gestion des risques liés au transport par mer. En cause, une faible part de marché, un manque criant d’experts agréés et une absence de culture de prévention systémique.
Par Khaled Remouche
Le secteur de l’assurance maritime peine à s’imposer en Algérie. Pourtant, il joue un rôle vital dans la pérennité des compagnies maritimes, en couvrant les pertes financières liées aux sinistres : avaries, incendies, pertes de cargaison ou dommages aux navires. Ce paradoxe a été longuement discuté lors du Forum maritime d’Alger, où une session entière a été dédiée à cette question stratégique.
Mazou Walid, chef d’études au Conseil national des assurances (CNA), a exposé des chiffres révélateurs de cette marginalisation. En 2023, l’assurance maritime ne représentait que 2,5 % du chiffre d’affaires global du secteur des assurances, contre 54 % pour l’assurance automobile. Son volume d’affaires n’a pas dépassé 3,5 milliards de dinars, tandis que l’ensemble des assurances transport (y compris terrestre et aérien) atteignait 8,5 milliards de dinars, soit à peine 5,8 % du marché.
Ce déséquilibre est d’autant plus surprenant que le secteur maritime algérien est un pilier de l’économie nationale. À titre d’illustration, 90 % des importations du pays sont acheminées par mer. En 2023, l’Algérie a exporté 67 millions de tonnes d’hydrocarbures et 58,39 millions de tonnes de marchandises hors hydrocarbures par voie maritime. Ce volume massif démontre le potentiel considérable de développement de l’assurance maritime, tant pour la couverture des risques que pour la modernisation du secteur.
Au-delà des parts de marché, la faiblesse de l’assurance maritime tient aussi à la rareté des experts agréés. Chahinez Yakouben, représentante de l’Union des compagnies d’assurance et de réassurance (UAR), a souligné que seulement 392 experts maritimes sont actuellement actifs en Algérie, concentrés principalement dans les villes côtières d’Alger, Oran et Annaba. Un nombre insuffisant au regard du besoin croissant d’expertise pour accompagner les compagnies d’assurance et assurer un maillage territorial équilibré.
L’UAR, seule structure habilitée à délivrer les agréments, impose des critères stricts : le candidat doit être titulaire d’un diplôme universitaire dans le domaine maritime ou dans un domaine connexe, justifier d’au moins cinq ans d’expérience professionnelle, et disposer d’un local dédié à son activité. Mais selon Mme Yakouben, le rôle de l’expert maritime va bien au-delà des exigences administratives : «L’expert est les yeux de l’assureur. Il détecte les vices cachés, vérifie la conformité des navires, et contribue à la prévention des sinistres», a-t-elle affirmé.
Elle a notamment mis en avant l’importance des visites techniques préalables à la souscription d’une police d’assurance, une pratique qui devrait devenir systématique. Cette démarche préventive permettrait d’anticiper des sinistres majeurs, tels que les incendies, les explosions ou les avaries de marchandises.
En cas d’incident, le rôle de l’expert est tout aussi déterminant. Il doit identifier les causes de l’accident, évaluer les dommages, et établir un procès-verbal chiffré remis à la compagnie d’assurance. Ce rapport conditionne l’indemnisation des pertes et peut également servir à actualiser la valeur du patrimoine assuré.
À l’issue de cette session du forum, une idée forte s’est dégagée : l’assurance maritime ne peut plus rester marginale dans un pays aussi dépendant du transport maritime que l’Algérie. Son développement nécessite une stratégie coordonnée entre l’État, les compagnies d’assurance et les acteurs maritimes pour structurer la filière, renforcer la formation des experts, et diffuser une véritable culture de prévention à tous les niveaux.
K.R.
