Dette interne : les banques publiques de plus en plus appelées à financer les déficits du Trésor
6788 milliards de dinars de titres publics sont détenus par les banques publiques

Orientation de la politique financière du pays : les banques publiques ont tendance à financer en bonne partie les déficits du Trésor et à contribuer à la croissance de l’endettement public, au détriment du financement de l’investissement productif.
Par Khaled Remouche
L’étude sur la situation du secteur bancaire algérien à fin 2023 élaboré par la société SL finances relève une tendance à la hausse des valeurs d’Etat ou titres publiques (Bons du Trésor et obligations) dans les portefeuilles des banques publiques. Rachid Sekak, spécialiste financier, auteur de l’étude souligne dans ce document que les portefeuilles des valeurs d’Etat détenus par les banques publiques a continué à croître et à représenter une part très significative de leurs bilans.
Au total, ces banques détiennent 7308 milliards de dinars en titres du Trésor soit en moyenne 32,17% du total de leurs bilans. Le texte note que les banques publiques jouent un rôle de plus en plus important dans le financement du déficit des finances publiques. Les chiffres sont édifiants : 6788 milliards de dinars de titres publics sont détenus par les banques publiques, soit un énorme montant et 520 milliards de dinars par les banques privées. Cette tendance à la hausse s’effectue, laisse entendre Rachid Sekak au détriment du financement de l’investissement productif. Ainsi, si on compare cette évolution par rapport à l’exercice 2020 : un montant de 1301 milliards de dinars seulement à fin 2020, il apparait que les montants des portefeuilles des titres publics dans les bilans des banques publiques sont en forte évolution à la hausse. Ces portefeuilles ont atteint 5943 milliards de dinars à fin 2022. Ils étaient à hauteur de 4799 milliards à la fin de 2021, soit l’équivalent de 36 milliards de dollars, une part de 28,63% de leur bilan.
Cette situation est due en bonne partie au programme spécial de refinancement PSRE, explique Rachid Sekak qui s’est traduit par le rachat par le Trésor des crédits syndiqués en 2021 et 2022 en contrepartie des obligations à concurrence de 2500 milliards de dinars. Ce qui a contribué à la hausse des titres d’Etat dans le bilan des banques publiques. Ces proportions en bons du Trésor et obligations dans les bilans des banques publiques restent très substantielles à fin 2023, relève le spécialiste du secteur bancaire. A titre d’exemple, le portefeuille de la BNA en titres publics atteint 3002 milliards de dinars soit 49,95% de son bilan à fin 2023, contre 2590 milliards de dinars à fin 2022. A la BEA, le portefeuille en valeurs d’Etat s’est élevé à 1432 milliards de dinars à fin 2023, soit 30,38% du bilan contre 1215 milliards de dinars à fin 2022.
36 milliards de dollars : le portefeuille des titres publics dans le bilan des banques publiques à fin 2021
Cette situation peut s’expliquer également par l’augmentation importante des dépenses publiques ces dernières années et la croissance significative des déficits du Trésor. Pour financer ce déficit, les autorités financières ont recours au fonds de régulation des recettes et aussi au marché monétaire. Ce qui induit cette forte proportion de titres publics dans les bilans des banques publiques et partant une augmentation de la dette interne. En cas d’effondrement des cours du pétrole, le Trésor serait dans l’incapacité, voire en face à des difficultés sérieuses à rembourser sa dette, avertit Rachid Sekak.
La solution serait, à notre sens, à la fois de rationaliser les dépenses publiques, d’accroitre les recettes fiscales par une meilleure appréhension de l’assiette fiscale, l’intégration de l’argent informel dans les circuits formels et la mise en œuvre d’alternatives financières hors budget de l’Etat telles que le partenariat public-privé pour financer les grands projets d’infrastructures rentables, l’épargne-logement pour financer le logement pour les particuliers à moyens revenus. Quant à l’endettement extérieur pour financer le budget autorisé par le projet de loi de finances 2025 concernant les projets d’investissement publics, ne constitue, loin s’en faut, la panacée à ces difficultés budgétaires.
K.R.
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