«L’état de nos banques reflète une économie nationale qui peine à relancer l’investissement productif»
Étude sur la situation du secteur bancaire algérien à fin 2023 réalisée par SL Finances

Les Banques publiques doivent recouvrer 900 milliards de dinars de créances, ce qui représente une importante dette devant être remboursée par leur clientèle, estime l’auteur de l’étude. Elles restent fragiles et leur intermédiation bancaire largement inefficace, mais demeurent rentables selon Rachid Sekak, spécialiste du secteur bancaire algérien.
Par Khaled Remouche
La situation du secteur bancaire algérien en 2023 reflète des évolutions positives concernant certains de ses résultats mais montre de nouveau sa grande fragilité. Telle est l’un des constats dévoilé en filigrane par SL Finances, une société conseil dirigée par Rachid Sekak, spécialiste financier, dans une étude sur la question, élaborée ce mois d’octobre 2024. Dans la première partie du texte, l’auteur dresse les principaux constats sur le secteur bancaire algérien et révèle ses caractéristiques actuelles.
Première caractéristique : Rachid Sekak constate que le marché bancaire algérien croit moins vite que l’inflation. Le total bilan de la place bancaire s’établit à 22.176 milliards de dinars à fin 2023, contre 22.004 milliards de dinars en 2022 et 19.301 milliards à fin 2021 et 15943 milliards de dinars à fin 2020. La hausse du total bilan par rapport à l’exercice 2022 est de 3,23%, d’où la conclusion que la hausse du total bilan a été moins forte que l’inflation : 7,18 % à fin 2023. Le spécialiste relève que notre secteur bancaire reste de taille très modeste. «La capitalisation de la place algérienne représente un peu moins de 70% du PIB contre plus de 120% au Maroc. Un tel indice, souligne-t-il est symptomatique d’une relative faiblesse de l’intermédiation financière. En 2023, ajoute Rachid Sekak, la progression du total bilan a été plus forte chez les banques privées : 8,45% contre 2,53% pour les banques publiques.
Seconde caractéristiques : les banques publiques continuent de dominer le marché. Le total bilan des six banques publiques est de 19.856 milliards de dinars, celui des 13 banques privées s’élève à 2859 milliards de dinars. Les banques publiques représentent 87,4% du total bilan de la place, le restant représente la part des banques privées. Presque le même topo pour le réseau bancaire : « e réseau national est de 1649 agences dont 1249 chez les banques publiques et 400 pour les banques privées ». A noter qu’Algérie Poste dispose d’un réseau de 4209 points de vente.
Banques : 251 milliards de dinars de bénéfices en 2023
«Elle sera un acteur important et incontournable de toute réforme bancaire et financière » souligne Rachid Sekak. Troisième caractéristique : l’expert constate des évolutions contradictoires dans les bilans des banques. Il note en premier lieu, une hausse des dépôts de la clientèle inférieure aux années précédentes : 4,16 % en 2023, à 15,64% en 2022. Elle est due, ajoute l’auteur du texte à la baisse des dépôts chez la BEA, la banque de dépôt de la Sonatrach : moins de 202 milliards de dinars contre un hausse de + de 888 milliards de dinars en 2022. Cette évolution des dépôts en dents de scie de la BEA est fortement liée à l’évolution des revenus du secteur des hydrocarbures, explique-t-il.
En revanche, la collecte des ressources au niveau des banques privées a été plus efficiente : hausse des dépôts à hauteur de 7,97% ». En second lieu, la hausse des crédits à la clientèle est en deçà du niveau d’inflation affiché à fin 2023. Cette augmentation des crédits à la clientèle se situe à fin 2023 à 5,76%. Les banques participent à hauteur de 84, 12 % des crédits et les banques privées pour 15,88%. A noter que les banques publiques financent la quasi-totalité des crédits du secteur publics mais aussi les trois quarts du secteur privé. Rachi Sekak note cependant une évolution positive concernant ce point : « Globalement pour notre économie après une année 2022 où nous avons relevé que la hausse des dépôts suite à l’amélioration des prix des hydrocarbures ne s’était pas traduite par une hausse de l’activité crédit, nous observons en 2023 une relative relance ». A cet égard, la Banque d’Algérie relève que 58,32% des crédits sont orientés vers le secteur privé et 41,68% vers le secteur public, rapporte-t-il Les banques privées, elles sont absentes des crédits au secteur public et contribuent à hauteur de 26% du montant des crédits au secteur privé.
En troisième lieu : l’étude relève une hausse du chiffre d’affaires de la place. Le PNB ou chiffre d’affaires de la place a augmenté de 9,29% en 2023 après les baisses de 4,64% en 2022 et 1,84 % en 2021. L’auteur de l’étude explique cette évolution par la baisse sensible du coût du risque. Cet indicateur est mesuré par les provisions qui sont en hausse de 6,48% à 78 milliards de dinars en 2023. Ils sont en baisse par rapport au niveau record : 187 milliards de dinars en 2019. Rachid note cependant que les créances supplémentaires à recouvrer se situent à 900 milliards de dinars pour les banques publiques et 40 milliards de dinars pour les banques privées. Ce qui demande de gros efforts pour que de tels montants de créances soient remboursés. Il estime les impayés au titre des dispositifs d’aide à environ 400 milliards de dinars. Rachid Sekak impute, en outre, la hausse des profits des banques à cette baisse du cout du risque. Ces bénéfices s’élèvent en 2023 à 251 milliards de dinars : 173 milliards de dinars pour les banques publiques et 59 milliards de dinars pour les banques privées.
Dans la seconde partie, Rachid Sekak aborde les évolutions du secteur bancaire algérien. « La situation de notre secteur bancaire est symptomatique d’une économie qui a bénéficié d’une embellie financière externe mais qui rencontre de gros soucis de relance de l’investissement productif absolument nécessaire à la relance d’une croissance pérenne. Notre secteur bancaire reste fragile et son intermédiation largement inefficace. Nos banques publiques sont devenues des banquiers importants du Trésor public et seront donc de plus sensibles à l’évolution des cours du pétrole. Que se passera-t-il en cas de retournement abrupt du marché des hydrocarbures qui pourrait réduire la liquidité du marché et la capacité du Trésor à faire face à sa dette, avertit-il. L’auteur du texte pose, du reste, des problématiques fondamentales : quelles suites donner aux financements sans fin des déficits des entreprises publiques et qu’en est –il du nécessaire traitement de nos finances publiques notamment la diversification des sources de financement du budget. ?
En conclusion, Rachid Sekak préconise concernant l’inclusion financière et particulièrement face au recours généralisé au cash, le développement des paiements électroniques, via notamment des incitations fiscales telles que l’exonération fiscale pour les petits commerçants ainsi que l’obligation de paiement par internet, s’appliquant aux factures de la Seeal et de Sonelgaz ainsi qu’aux impôts. Il suggère de réintroduire l’effort d’épargne pour acquérir son logement considérant que le financement budgétaire du logement, 600 à 650 milliards de dollars par an au cours des dix dernières années n’est pas soutenable dans la durée. Cette solution permettra de réduire le déficit budgétaire et de favoriser l’inclusion financière. Ceci entres autres par le recours du citoyen à l’épargne pour bénéficier d’un logement ;
K.R.
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