Abdallah Seriai : «Les surcouts logistiques deviennent un frein au développement des exportations hors hydrocarbures»
Stratégies et Perspectives de la Logistique en Algérie
Dans cet entretien, M. Abdallah Seriai, le président du syndicat des employeurs des transports et de la logistique Translog, aborde l’état des lieux de la logistique. Il présente des recommandations issues de la rencontre tenue récemment sur l’optimisation des coûts logistiques organisée par le club export du World Trade Center Algiers à la villa Abdeltif à Alger.
Entretien réalisé par : Khaled Remouche
Algérie Invest : Pouvez-vous présenter aux lecteurs Translog ?
Abdallah Seriai : Translog est le syndicat des employeurs des transports et de la logistique. Il a été créé en 2021. C’est un syndicat patronal qui regroupe les professionnels de la logistique. En d’autres termes, Translog regroupe plusieurs sociétés : de l’aérien, du maritime, du portuaire, des transports terrestres de marchandises, ainsi que des transports terrestres de passagers. Le nombre d’acteurs sur le marché de la logistique est énorme. Vous avez le petit transporteur qui a un camion, qui est un acteur de la logistique. Vous avez le propriétaire d’un bus qui est aussi un acteur de la logistique. Les activités de cette filière se répartissent entre la logistique des marchandises et la logistique humaine (transport de passagers).
Quelle est votre appréciation sur le marché de la logistique ?
Le marché de la logistique est très épars. Il est entre les mains d’une multitude de personnes. Cela peut aller d’une très petite entreprise jusqu’à la grande entreprise, au grand armement. Il ne faut pas oublier que les ports algériens sont escalés par les plus grands armateurs du monde : MSC, CMA, Maersk, Cosco ainsi que par les petits acteurs nationaux.
Quel est, de manière succincte, l’état des lieux de la logistique ?
Nous avons beaucoup à faire en matière de logistique, tant sur le plan réglementaire que sur le plan de la réorganisation des acteurs de la logistique. Nous nous y attelons avec les administrations concernées : le ministère des Transports, le ministère des Finances et les autres administrations concernées. Je pense qu’il y a de la bonne volonté de la part de chacun. Nous pouvons sincèrement bien avancer.
Quelle est votre appréciation sur la performance logistique en Algérie ?
L’Algérie n’est pas très bien classée : à la 131ème place sur 190 pays. Nous avons donc un écart important. Mais nous pouvons améliorer notre classement.
Que faut-il faire pour améliorer la performance logistique de notre pays ?
Il faut d’abord améliorer la logistique interne. C’est clair. Il y a énormément de choses à faire. L’ensemble des acteurs de la logistique est en train de faire le nécessaire pour essayer d’améliorer la fluidité. Parce qu’aujourd’hui, les surcoûts logistiques deviennent un frein à l’exportation. Nos produits peuvent ne pas être compétitifs. Ce n’est pas parce qu’ils ne sont pas bons. Ce n’est pas parce qu’ils ne sont pas bien présentés. Mais c’est parce qu’ils sont très chers. Pourquoi ? À cause du surcoût de la logistique.
Quelles sont les recommandations de la rencontre qui seront adressées aux pouvoirs publics ?
Nous avons présenté des actions à très court terme et des actions à moyen terme. Je citerai quelques-unes de ces recommandations. Concernant les recommandations à court terme, il s’agit de l’aménagement du port Centre. En effet, la réalisation du port Centre permettra la réception de très gros bateaux et donc de recevoir les marchandises directement pour les bateaux qui viennent d’Asie ou d’Amérique. Aujourd’hui, les marchandises importées en provenance d’Asie ou d’Amérique sont transbordées par les ports européens. Seconde recommandation importante : la restructuration des ports. Parce que le port, qu’on le veuille ou non, représente aujourd’hui un grand facteur de surcoût au niveau de la logistique. Je sais que les pouvoirs publics sont en train de réfléchir à la réorganisation des ports. C’est une excellente chose. Telles sont les actions à très court terme. Concernant les actions à moyen terme, il faut former des logisticiens. Nous n’avons pas d’Institut supérieur de formation en logistique, malheureusement. Alors qu’il faudrait des dizaines de centres de formation en logistique. Il y a également d’autres améliorations que nous pouvons introduire, notamment la révision de la réglementation à court terme. Il faudrait revoir la question de l’affrètement des navires. Parce qu’aujourd’hui, on ne peut pas affréter de navires. L’affrètement des navires peut aider à la fluidité du transport maritime.
Que faut-il faire en matière de logistique pour accompagner cette expansion future de nos exportations hors hydrocarbures vers l’Afrique ?
Il y a un potentiel énorme sur les pays du Sahel et les autres pays africains concernant le développement de nos exportations hors hydrocarbures vers notre continent. Puisque nos produits sont appréciés par ces pays-là. Ce qui reste, c’est la logistique. Et la logistique, notamment maritime – puisque les grands volumes de produits exportés passent par voie maritime – pose problème. Jusqu’à aujourd’hui, nous n’avons pas de lignes maritimes régulières parce qu’il n’y a pas assez de marchandises à exporter vers l’Afrique. Il n’y a pas, en un mot, de flux important qui nécessite la mise en place de lignes régulières. Nous sommes en train de passer par les ports français, espagnols ou italiens avant que la marchandise algérienne transportée reparte vers l’Afrique. Pour que la marchandise soit exportée en Afrique, il faut, en un mot, passer par les ports européens. Je pense que dès que le mouvement sera important, il y aura alors des lignes régulières. Et là, le problème sera résolu.
K.R.
