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Numérisation de l’administration algérienne: Bachir Takjeddine déplore l’absence d’une vision globale

«L’inscription des étudiants et la carte de l’auto entrepreneur, deux succes stories en matière de numérisation»

Dans cet entretien, M. Bachir Takjeddine, ancien Président du Groupement algérien des acteurs du numérique (GAAN), expert en numérique et auteur du livre : « E-gouvernement en Algérie : Etat des lieux : obstacles et solutions», aborde les difficultés à numériser les administrations algériennes. Il souligne que l’Algérie a surtout besoin d’une stratégie, d’une vision pour réussir le processus de numérisation des services publics.

Entretien réalisé par : Khaled Remouche 

Algérie Invest : Quelle est votre appréciation sur les progrès de la numérisation en Algérie ?

M. Bachir Takjeddine : Nous avons réalisé en Algérie beaucoup de progrès. Nous avons des acquis. Nous avons la carte nationale d’identité biométrique. Nous avons l’Etat civil complétement dématérialisé. Nous avons la signature électronique. Nous avons une infrastructure internet qui aujourd’hui permet de supporter la transformation digitale de l’administration. Mais nous avons un problème à savoir que nous demandons à chaque administration de faire sa transformation digitale indépendamment des autres alors qu’une démarche administrative implique plusieurs administrations en même temps. C’est pourquoi aujourd’hui, si vous allez sur un site internet gouvernemental, vous allez faire votre démarche, on vous demande alors d’imprimer un document. Lorsque vous imprimez ce document, c’est pour le remettre à une autre administration. L’erreur est là. Nous avons tout. Nous avons besoin seulement d’une vision stratégique qui permet de regrouper tout le monde.

Dans ce sens, comment expliquer qu’il n y ait pas d’interconnexions entre les différentes administrations ?

On n’a pas une vision globale. Et on n’arrive pas à les réunir autour d’une table pour pouvoir réaliser cette démarche. Nous avons cependant des success stories

Pouvez- les présenter succinctement ?

C’est possible de systématiser le zéro papier. Cette année, l’inscription des étudiants de première année, a été faite entièrement sur internet. Parce qu’il y a eu une interconnexion avec le Ministère de l’éducation. Les bacheliers n’ont pas eu à présenter leur attestation de Bac. Cela s’est fait sur internet. Il y a eu interconnexion avec la Poste pour le paiement. Le paiement des frais d’inscriptions a été automatisé. Avec la carte Edhahabia, le système détecte automatiquement que vous avez payé.

Le fait qu’on ait impliqué les trois administrations : le Ministère de l’Education, le Ministère de l’Enseignement supérieur et la Poste, nous avons réussi entièrement une démarche administrative totalement dématérialisée. Les étudiants ne se sont pas déplacés. Ils n’ont pas présenté de papiers. Et ils ont réussi à s’inscrire et à payer les frais d’inscription sur internet.

Une autre success storie a impliqué le Ministère des Start up, le Ministère de l’intérieur, le Ministère des finances, la Casnos et la Poste. Pour avoir la carte de l’auto entrepreneur, il suffit d’aller sur le site, de remplir le formulaire, de présenter la carte nationale. Une interconnexion automatique s’opère avec le Ministère de l’intérieur pour vérifier que la carte nationale présentée est authentique. Il y a eu interconnexion avec le Ministère des finances pour se faire délivrer l’identifiant fiscal, avec la Casnos pour vous délivrer le numéro de la Casnos.  Puis la Poste intervient pour vous ramener la carte au bureau de poste le plus proche. Pourquoi cette démarche dématérialisée a réussi : aucun papier n’a été demandé ? Parce que nous avons réussi à rassembler les administrations impliquées par cette démarche dématérialisée. Nous avons réussi à les interconnecter. Cela veut dire que c’est possible de numériser rapidement un service public, de systématiser le zéro papier.

Pourquoi n’arrive-t-on pas à dupliquer cette expérience ?

On n’est pas arrivé à dupliquer cette expérience parce c’est une affaire de personne. On n’a pas un visionnaire qui adopte une vision globale pour l’Algérie. Si on fait toutes les interconnexions, le problème sera réglé.

Qu’est- ce qui manque dans l’écosystème pour pouvoir réussir cette numérisation ?

Il ne nous manque rien. Seulement une vision. La preuve, concernant la carte de l’auto entrepreneur, il s’agit d’une expérience formidable. Il ne nous manque rien en termes de technologie.

Est-ce que le manque d’outils informatique freine cette numérisation ?

Le matériel informatique, c’est la chose la plus facile. Nous avons besoin d’une vision. Regardez la carte biométrique qu’on a aujourd’hui, c’est un bijou technologique. Est-ce qu’on l’utilise ?

Pourquoi des administrations demandent-elles la photocopie de la pièce d’identité pour délivrer un service ?

Vous avez créé une carte biométrique électronique au top technologique. Mais vous n’avez pas créé le cadre juridique qui permet de dire qu’en lisant cette carte biométrique, avec un lecteur de carte, j’authentifie et cela a une valeur profonde au niveau de la justice. Demain lorsque vous allez au niveau de la justice, on vous demande d’où est-ce vous avez ramené ces informations de ce citoyen. Vous allez leur dire que j’ai scanné sa carte pour avoir ces informations. Il vous dira que vous n’avez pas de cadre légal pour cela. Nous avons besoin donc d’un cadre légal. C’est cela la vision. On a crée quelque chose sans lui créer le cadre légal. Donc, on ne l’utilise pas.

Que préconisez- vous pour que l’Algérie réussisse le processus de numérisation ?

Cela fait plus de dix ans qu’on dit qu’on a besoin d’une autorité supra ministérielle pour avoir la vision et la stratégie en matière de numérisation en Algérie. Nous avons été écoutés. Le Ministère de la numérisation est devenu (HCN) Haut conseil en matière de numérisation. Maintenant le rôle du HCN, ce n’est pas de créer les applications, mais de créer la stratégie, de dire à toutes les administrations comment elles doivent travailler et s’interconnecter. Et là tout sera réglé. Parce que la technologie, nous l’avons.

Qu’en est-il de la numérisation des entreprises ?

L’entreprise est plus avancée que l’administration. Il y a des entreprises qui sont complètement informatisées. Parce c’est dans l’intérêt de l’entreprise.

Est- ce que les PME qui se caractérisent généralement par leur fragilité financière sont avancées dans la numérisation ?

Elles sont, elles aussi, plus avancées par rapport à l’administration.

K.R.

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